Le gouvernement fédéral a compétence dans les domaines de la santé et des soins de santé en raison, principalement, de son pouvoir en matière de droit pénal pour tout ce qui touche la santé et la sécurité publiques, et de son pouvoir de dépenser grâce auquel il effectue des transferts aux provinces et aux territoires, y compris en matière de santé. Le gouvernement fédéral assume une partie des dépenses publiques de santé des provinces et des territoires principalement par l'entremise du Transfert canadien en matière de santé (TCS). Il peut aussi financer directement des soins de santé ciblés. Il négocie alors avec chaque province les sommes transférées et leur utilisation. Il a ainsi accordé en 2017 des fonds sur 10 ans aux provinces pour les soins à domicile et les initiatives en matière de santé mentale.
Environ 70 % des dépenses de santé au Canada sont financées par des fonds publics et ce pourcentage est resté stable depuis les 20 dernières années. Le reste des dépenses est financé par des fonds privés, essentiellement des dépenses personnelles des Canadiens et des assurances privées. La part du Transfert canadien en matière de santé dans le financement public des dépenses de santé est passée de 21 % en 2012 à 23,5 % en 2019. À la fin de 2020, les gouvernements fédéral et provinciaux ont conclu l'Accord sur la relance sécuritaire qui prévoit le versement de fonds aux provinces pour les aider à surmonter les futures vagues de la COVID-19 et à relancer leur économie.
Le Canada ne dispose pas d'un régime unique de soins de santé. À la place, chaque province et territoire 1 administre son propre système public de santé. Par ailleurs, comme certains services médicaux ne sont pas couverts par les régimes d'assurance publique des provinces, les dépenses totales de santé au Canada sont donc financées en partie par des fonds publics (fédéraux ou provinciaux) et en partie par des fonds privés provenant d'assureurs privés ou directement de la poche des Canadiens.
La présente étude propose un aperçu des lois sur lesquelles reposent les régimes publics de soins de santé du Canada. Elle comprend également une description des niveaux récents et prévus du financement fédéral pour la santé et les soins de santé, un examen du financement public et privé des dépenses de santé au Canada ainsi qu'une présentation du financement fédéral ciblé qui tient compte des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur le coût des soins de santé.
La Loi constitutionnelle de 1867 2 n'établit pas explicitement la division des compétences dans le domaine de la santé entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Tout au plus, elle énonce la responsabilité fédérale à l'égard de la quarantaine ainsi que de l'établissement et du maintien des hôpitaux de marine, et la responsabilité provinciale pour ce qui est de l'administration de la plupart des autres hôpitaux. Les compétences en matière de santé sont donc attribuées indirectement, en fonction d'autres pouvoirs accordés aux ordres de gouvernement.
Ainsi, la compétence fédérale relativement à la santé et aux soins de santé découle du pouvoir fédéral en matière pénale 3, ainsi que du pouvoir fédéral de dépenser 4. Le pouvoir en matière pénale sert principalement à la promulgation de lois touchant à la santé et à la sécurité publiques, comme la Loi sur les aliments et drogues, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur les agents pathogènes humains et les toxines. Quant au pouvoir de dépenser, il permet au gouvernement fédéral de faire des transferts financiers aux provinces en vertu de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces 5 (LAFGFP), et d'énoncer les normes et conditions à respecter au titre de la Loi canadienne sur la santé (LCS) 6.
Sauf pour ce qui est des aspects visés par les pouvoirs décrits ci‑dessus, la santé relève principalement de la compétence des provinces. En effet, les provinces sont notamment responsables des hôpitaux et des services de santé, de l'exercice de la médecine, de la formation des professionnels de la santé et de la réglementation de la profession médicale, de l'assurance‑hospitalisation et de l'assurance-maladie, ainsi que de la santé en milieu de travail. Le pouvoir à l'égard de tous ces aspects est conféré aux provinces en vertu des paragraphes 92(7) (hôpitaux), 92(13) (propriété et droits civils) et 92(16) (matières d'une nature purement locale ou privée) de la Loi constitutionnelle de 1867.
La LCS 7 a été adoptée par le Parlement en 1984 et est entrée en vigueur l'année suivante. Son titre au long est la Loi concernant les contributions pécuniaires du Canada ainsi que les principes et conditions applicables aux services de santé assurés et aux services complémentaires de santé. Comme ce titre l'indique, la LCS concerne le financement fédéral des services de santé assurés et complémentaires.
L'article 3 de la LCS énonce l'objectif premier de la politique de la santé du gouvernement du Canada, qui consiste à « protéger, […] favoriser et […] améliorer le bien‑être physique et mental des habitants du Canada et […] faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d'ordre financier ou autre ». Les articles 7 à 12 précisent ensuite que la raison d'être de la LCS est d'établir les conditions et les critères que les systèmes établis en vertu des lois provinciales doivent respecter pour être admissibles à la contribution fédérale. Ainsi, les régimes provinciaux d'assurance-maladie doivent respecter les critères suivants :
Par ailleurs, l'article 13 de la LCS énonce les conditions que les provinces doivent respecter pour être admissibles à la pleine contribution pécuniaire du Transfert canadien en matière de santé (TCS). Ainsi, les provinces doivent :
Aux termes de l'article 5 de la LCS, « [s]ous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Canada verse à chaque province, pour chaque exercice, une pleine contribution pécuniaire à titre d'élément du Transfert canadien en matière de santé ». Établi aux termes de la LAFGFP, le TCS est le plus important transfert fédéral aux provinces 8. Le gouvernement fédéral peut retenir une partie du TCS prévu pour une province s'il est établi que la LCS a été enfreinte dans cette province. Ainsi, il pourrait être déduit du TCS de la province un montant correspondant au total de la surfacturation effectuée ou des frais modérateurs imposés dans la province pour des services assurés, ces procédés étant interdits aux termes des articles 18 et 19 de la LCS. De même, le TCS pourrait être amputé du montant que le ministre de la Santé détermine si la province enfreint les conditions ou critères énoncés aux articles 8 à 13 de la LCS.
La formule de calcul du TCS est énoncée dans la LAFGFP, qui fait l'objet de modifications quand des changements sont apportés à cette formule 9. Aux termes de l'article 24.21 de la LAFGFP, les paiements en espèces du TCS sont établis selon un montant égal par habitant. Depuis l'exercice 2017‑2018, les paiements du TCS augmentent en fonction d'une moyenne mobile triennale de la croissance du produit intérieur brut nominal du Canada, avec garantie d'augmentation du financement d'au moins 3 % par année 10.
La figure 1 ci-dessous illustre le pourcentage d'augmentation des montants des transferts en matière de santé aux provinces canadiennes au cours des 10 dernières années.
Note :« TCS total » représente la totalité des montants du Transfert canadien en matière de santé.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, Principaux transferts fédéraux.
Ainsi qu'il est fait mention précédemment, les fonds publics consacrés aux soins de santé viennent de sources fédérales et provinciales. La figure 2 illustre la hausse de la part du financement public en santé couvert par le TCS, part qui est passée de 21 % en 2012 à 23,5 % en 2019.
Sources : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, Principaux transferts fédéraux; et Institut canadien d'information sur la santé, Tendances des dépenses nationales de santé, 1975 à 2019 : tableaux de données – série A (données par secteur).
En plus de fournir aux provinces une contribution annuelle au titre du TCS, le gouvernement fédéral peut financer directement des soins de santé ciblés. Cependant, ces fonds à utilisation déterminée sont généralement versés pendant une période précise, sans promesse de renouvellement. Contrairement au TCS et aux autres grands transferts fédéraux, ce type de transferts aux provinces n'est régi par aucune loi. Le gouvernement fédéral négocie avec chaque province les sommes qui seront transférées ainsi que la façon dont elles seront utilisées.
Ainsi, le budget fédéral de 2017 prévoyait l'octroi aux provinces de 11 milliards de dollars sur 10 ans à compter de l'exercice 2017-2018, dans les deux secteurs suivants : les soins à domicile et les initiatives en matière de santé mentale 11. Toutes les provinces, sauf le Québec, ont donné leur appui à L'énoncé de principes communs sur les priorités partagées en santé 12, et le gouvernement fédéral a conclu des accords bilatéraux avec chaque province 13. Quant au Québec, il a conclu avec Ottawa une entente asymétrique fondée sur un principe reconnu en 2004 14.
Le total des dépenses consacrées aux soins de santé connaît une hausse constante au Canada depuis 1975, année à laquelle remontent les données de l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS). Selon un rapport de 2019 de l'ICIS, les dépenses annuelles de santé sont passées de 100 milliards de dollars en 2000 à 200 milliards de dollars en 2011, et elles ont atteint environ 264,4 milliards de dollars en 2019. À l'époque, toujours selon ce même rapport, les dépenses de santé par Canadien devaient atteindre 7 068 $ en 2019, ce qui représente une augmentation de presque 200 $ par rapport à 2018. En outre, alors que les dépenses totales en matière de santé représentaient 7 % du produit intérieur brut en 1975, ce pourcentage a augmenté considérablement et s'élevait à plus de 11 % en 2019 15.
Selon le rapport de 2019 de l'ICIS, en 2017, les dépenses de santé par habitant pour les nourrissons étaient les plus élevées de tous les groupes d'âge, à l'exception de celui des 80 ans ou plus. À partir de l'âge d'un an, les dépenses de santé par habitant augmentent à mesure que la personne vieillit, mais la hausse s'accélère considérablement après 60 ans. Ainsi, jusqu'à cet âge, les dépenses de santé annuelles par personne sont inférieures à 5 000 $, mais après 60 ans, elles grimpent et se chiffrent à près de 30 000 $ pour les personnes de 90 ans. La proportion des aînés au sein de la population du Canada augmente depuis 2010, année où les premiers baby‑boomers ont atteint l'âge de 65 ans. Cela dit, l'ICIS a conclu que le vieillissement démographique n'est pas le principal facteur de la hausse des dépenses de santé de ces dernières années. Selon cet organisme, le vieillissement n'est la cause que de 0,8 % de l'augmentation de 3,8 % des dépenses de santé en 2019, tandis que l'inflation et la croissance de la population expliquent 2,6 % de l'augmentation observée. L'inflation dans le secteur de la santé, l'efficacité du réseau de la santé, les changements technologiques et l'utilisation des services sont d'autres facteurs qui contribuent à la hausse 16.
Dans le rapport de l'ICIS de 2019, les données sur l'affectation des fonds montrent que la plupart des dépenses de santé sont consacrées aux hôpitaux, aux médecins et aux médicaments (sur ordonnance et en vente libre); ces dépenses représentaient 57 % des dépenses de santé totales en 2019. La proportion des dépenses de santé consacrées aux services hospitaliers est passée de presque 45 % en 1975 à 26,6 % en 2019. Cette diminution s'explique par la hausse du nombre de traitements pouvant être donnés à l'extérieur des hôpitaux, et par la diminution de la durée des séjours à l'hôpital. La part des dépenses de santé consacrées aux services des médecins n'a que légèrement fluctué de 1975 à 2019 (elle se maintient à environ 15 %), mais celle qui est liée aux médicaments est passée d'environ 9 % en 1975 à 15,3 % en 2019, ce qui reflète l'adoption grandissante des soins pharmaceutiques en remplacement des soins hospitaliers. Les dépenses restantes sont notamment consacrées à d'autres établissements (p. ex. établissements de soins de longue durée) et à d'autres services professionnels (p. ex. soins dentaires, soins de la vue) 17.
Les dépenses totales de santé sont financées par des sources à la fois publiques et privées. Au Canada, le financement public de la santé est en grande partie assuré par les recettes fiscales des gouvernements fédéral et provinciaux, mais il faut y ajouter la contribution des administrations municipales et des commissions des accidents du travail, ainsi que les cotisations de sécurité sociale. Toujours dans son rapport de 2019, l'ICIS a estimé que la proportion des dépenses de santé financées par le secteur public était restée relativement stable autour de 70 % depuis l'an 2000. En 2019, le financement public était assuré à 65,1 % par les gouvernements provinciaux (TCS fédéral compris) et à 5,3 % par le gouvernement fédéral, les municipalités et les caisses de sécurité sociale. Le financement public couvre 70,4 % de toutes les dépenses de santé. Pour ce qui est du financement privé, il provient principalement des régimes d'assurance privée et des contributions directes des Canadiens, et il couvre les 29,6 % restants des dépenses de santé. En 2017, les dépenses directes (payées de leur poche par les Canadiens) se chiffraient à 970 $ par personne, pour un taux de croissance annuelle moyen de 2,2 % depuis 1988. Les dépenses par habitant des régimes privés d'assurance-maladie étaient de 824 $ par habitant en 2017, avec un taux de croissance annuelle de 4,1 % pendant la même période 18.
La figure 3 présente une comparaison, entre le Canada et d'autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de la part des dépenses de santé assumée par le secteur public. En 2018, la Norvège, le Luxembourg, la Suède et le Danemark avaient la part la plus élevée des dépenses de santé assumée par le secteur public, avec 84 % des dépenses totales de santé. La Suisse et les États‑Unis avaient la plus faible part de soins de santé financés par le secteur public, avec respectivement 30et 50 % de leurs dépenses de santé totales 19.
Note : Par « Gouvernement », on entend les transferts gouvernementaux et les contributions provenant principalement des recettes fiscales. Par « Assurance sociale », on entend les autres programmes publics, y compris la sécurité sociale.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Organisation de coopération et de développement économiques, « Recettes des régimes de financement des soins [pour 2018] », OCDE.Stat. (base de données), consultée le 29 décembre 2020.
En juillet 2020, les premiers ministres provinciaux ont conclu l'Accord sur la relance sécuritaire avec le gouvernement fédéral. Cet accord prévoit le versement de 19 milliards de dollars aux provinces pour les aider à surmonter les futures vagues de COVID-19 et à relancer leur économie. L'Accord ne porte pas uniquement sur le financement des soins de santé, mais il prévoit que les provinces recevront des fonds fédéraux pour absorber certaines dépenses supplémentaires en matière de santé liées à la pandémie. Ces fonds comprennent notamment des montants destinés à la recherche des contacts, au dépistage, à la gestion des données et à l'achat d'équipement de protection individuelle, ainsi que pour appuyer le renforcement de la capacité des réseaux de la santé et combler les lacunes observées dans les services de santé mentale et de toxicomanie 20.
Les premiers ministres provinciaux ont rencontré le premier ministre le 10 décembre 2020 afin de discuter de la hausse de la part des dépenses publiques de santé couverte par le TCS. Le premier ministre n'a pris aucun engagement en ce sens lors de la rencontre, mais, selon les premiers ministres provinciaux, il a admis que « le gouvernement fédéral devait en faire plus 21 ».
Le système de soins de santé du Canada est financé principalement par les gouvernements fédéral et provinciaux. La contribution fédérale, faite dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé, compte pour environ 23 % du financement public total. De plus, en 2017 et pour une période de 10 ans, le gouvernement fédéral a affecté des fonds directement aux services de santé mentale et aux services de soins à domicile. Au total, près de 75 % des dépenses de soins de santé sont payées à même les fonds publics; le reste est assumé par l'investissement privé. C'est une proportion comparable à celle que l'on trouve dans de nombreux pays, quoique certains États paient jusqu'à 85 % du coût des soins de santé. En juillet 2020, le gouvernement fédéral a conclu l'Accord sur la relance sécuritaire avec les gouvernements provinciaux. Cet accord prévoit le versement d'un financement aux provinces pour assumer une partie des frais supplémentaires entraînés par la pandémie de COVID-19 pour le système de soins de santé.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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