Le projet de loi C-22 : Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (représentation démocratique), a été présenté à la Chambre des communes par le leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre de la Réforme démocratique, l’honorable Peter Van Loan, C.P., député, et a reçu la première lecture le 14 novembre 2007. Il modifie la Loi constitutionnelle de 1867 en révisant le nombre des députés à la Chambre des communes et des représentants des diverses provinces. Le projet de loi C-22 avait déjà été présenté à la Chambre des communes au cours de la première session de la 39e législature sous le numéro C-56. À la prorogation du Parlement, il n’avait pas encore reçu la deuxième lecture.
L’objectif démocratique du système électoral canadien, tel qu’il est énoncé dans la Loi électorale du Canada, est conforme au principe d’« un électeur, un vote »(1). En réalité, toutefois, l’application de ce principe exige dans une certaine mesure un compromis acceptable. Depuis la Confédération, on a eu recours à plusieurs formules pour répartir les sièges à la Chambre des communes entre les provinces; chacune de ces formules devait établir un équilibre entre l’égalité absolue du pouvoir électoral et la représentation efficace.
Le projet de loi vise à corriger la distorsion entre la croissance du nombre de représentants élus accordé à chaque province et celle de la population de chacune. Pour ce faire, il promulguera une nouvelle formule de révision du nombre de sièges à la Chambre des communes. À l’instar de la formule actuelle, celle qui est prescrite dans le projet de loi prévoit la révision du nombre de sièges après chaque recensement décennal et l’attribution des sièges nouvellement créés à la province ou leur répartition entre les provinces dont la population s’accroîtra entre deux recensements.
Ce qui distingue la formule énoncée dans le projet de loi, c’est qu’elle augmente le nombre par lequel on divisera la population totale des provinces, fixé actuellement à 279. En outre, ce « diviseur électoral » continuerait d’augmenter à chaque recensement décennal, à supposer que la population totale des provinces poursuive sa croissance. La formule, et surtout le diviseur électoral, aurait pour effet, au moment de réviser le nombre de députés à la Chambre des communes, de majorer les augmentations découlant de la croissance de la population totale des provinces.
Le fondement juridique de la révision du nombre de sièges à la Chambre des communes est l’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui confère au Parlement du Canada le pouvoir de réviser le nombre des députés à la Chambre des communes et d’établir les modalités et la périodicité de cette révision(2).
Quant au pouvoir du Parlement de modifier l’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867, l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 dispose que :
Sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.
L’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 habilite donc le gouvernement à modifier, par une loi du Parlement, la formule constitutionnelle de répartition des sièges à la Chambre des communes.
Les différences entre les populations respectives de l’Ontario, du Québec et des provinces maritimes à l’époque de la Confédération ont entraîné l’adoption de la « représentation selon la population », ou de l’égalité des électeurs, comme principe directeur régissant la représentation à la Chambre des communes(3). Au fil du temps, à la faveur de la croissance du pays, la population s’est répartie inégalement dans les provinces, ce qui a créé des écarts numériques qui ont obligé à des compromis et à des concessions censés combler la différence lorsqu’on s’éloignait trop de l’égalité des électeurs (4).
L’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867 dispose qu’il faut calculer le nombre de sièges attribués à chaque province à la Chambre des communes en divisant la population de chacune par un nombre fixe appelé « quotient électoral »(5). On obtenait ce quotient électoral en divisant la population du Québec par 65, soit le nombre de sièges à la Chambre des communes que cette loi garantissait à la province. Après chaque recensement décennal à compter de celui de 1871, le nombre de sièges à la Chambre des communes devait être révisé.
La Loi constitutionnelle de 1867 prévoyait de plus qu’aucune province ne pouvait perdre de siège à l’occasion d’un redécoupage électoral, à moins que le pourcentage de sa population par rapport à la population totale du pays n’ait diminué d’au moins 5 p. 100 (un vingtième) entre les deux derniers recensements; aussi appelait-on cette exigence la « règle du vingtième »(6).
Au cours des années qui ont précédé la Confédération, on a commencé à craindre que les tendances dans les transferts de population ne finissent par entraîner une perte importante de représentation dans certaines provinces(7). Pour se prémunir contre cette éventualité, le Parlement a apporté, en 1915, la toute première modification à la formule de représentation initiale en ajoutant l’article 51(A) à la Loi constitutionnelle de 1867. Cette disposition, qui est toujours en vigueur aujourd’hui, précise qu’une province ne peut avoir moins de sièges à la Chambre des communes qu’au Sénat(8).
Comme un certain nombre de provinces étaient de plus en plus mécontentes des règles régissant la répartition provinciale des sièges à la Chambre des communes, parce que ces règles faussaient de façon inacceptable les résultats de l’application du principe de la représentation selon la population(9), la Constitution a été modifiée en 1946 de manière à établir une nouvelle formule de révision de l’attribution des sièges à la Chambre des communes. On a fixé à 255 le nombre total de sièges, dont un pour le Yukon, les 254 autres étant répartis parmi les provinces en fonction de leur part de la population totale du pays plutôt que selon la population moyenne par circonscription électorale au Québec(10). De plus, la formule du « vingtième » a été abolie (11).
La population n’augmentant pas à la même cadence dans toutes les provinces, on n’a pas tardé à constater qu’avec cette nouvelle formule, celles qui avaient les taux de croissance démographique les plus faibles perdraient des sièges à la Chambre. La Nouvelle-Écosse, le Manitoba et la Saskatchewan devant toutes en perdre après le recensement de 1951, on a modifié la Loi constitutionnelle de 1867 en y intégrant la « clause des 15 p. 100 » afin d’éviter une chute rapide de la représentation fédérale dans certaines provinces(12). Cette disposition prévoyait qu’aucune province ne pouvait perdre plus de 15 p. 100 des sièges à la Chambre auxquels elle avait droit en vertu de la révision précédente ni y détenir moins de sièges qu’une province ayant une population plus faible. Il n’en demeure pas moins qu’au terme des révisions suivantes, de plus en plus de provinces ont perdu des sièges.
La Loi sur la représentation (1974), aussi désignée par l’expression « formule de l’amalgame », a été adoptée en vue de garantir notamment qu’aucune province ne perdrait de sièges(13). Cette nouvelle formule portait le nombre de sièges du Québec de 65 à 75 et prévoyait que la province gagnerait automatiquement quatre sièges à chaque révision ultérieure pour tenir compte de la croissance de sa population. La formule créait aussi trois catégories de provinces : les provinces très peuplées (au moins 2,5 millions d’habitants), les provinces moyennement peuplées (entre 1,5 et 2,5 millions d’habitants) et les provinces peu peuplées (moins de 1,5 million d’habitants). Les provinces très peuplées se sont vu attribuer proportionnellement autant de sièges que le Québec, tandis que des règles distinctes et plus généreuses ont été établies pour le calcul du nombre de sièges des provinces peu ou moyennement peuplées(14).
On a appliqué la formule de l’amalgame une fois, en 1976, pour porter le nombre de sièges à la Chambre des communes à 282, mais on ne l’a plus fait depuis, parce que les projections ont révélé qu’au fil des révisions, elle ferait augmenter le nombre de sièges plus qu’on ne le souhaitait.
La formule qui sert actuellement au calcul de la répartition des sièges à la Chambre des communes est énoncée dans la Loi constitutionnelle de 1985 (représentation électorale), également appelée Loi de 1985 sur la représentation électorale. Le nombre de sièges attribué à chaque province est maintenant calculé de la façon suivante :
La Loi de 1985 sur la représentation électorale prévoit aussi une garantie supplémentaire empêchant les provinces de perdre des sièges au terme d’une révision; elle assortit en effet la « clause sénatoriale » d’une « clause d’antériorité ». Selon cette disposition, une province ne peut avoir moins de sièges à la Chambre des communes qu’elle n’en avait en 1976, soit au cours de la 33e législature(16). Après le recensement décennal de 2001, le nombre de députés à la Chambre a été porté à 308.
Le titre abrégé du projet de loi C-22 est « Loi constitutionnelle de 2007 (représentation démocratique) » (art. 1).
L’article 2 du projet de loi remplace le paragraphe 51(1) de la Loi constitutionnelle de 1867. Il énonce quatre règles pour le calcul servant à réviser l’attribution des sièges aux provinces à la Chambre des communes :
b) On établira le « diviseur électoral » applicable aux fins des révisions subséquentes en divisant la population totale des provinces, selon les résultats du recensement décennal le plus récent, par le nombre de sièges à la Chambre des communes attribué 30 ans avant le recensement décennal le plus récent.
L’article 3 du projet de loi est une disposition interprétative selon laquelle toute mention des lois constitutionnelles de 1867 et de 1982 vise notamment le projet de loi.
Le projet de loi C-22 fait partie des réformes démocratiques proposées par le gouvernement au cours des première et deuxième sessions de la 39e législature. Il vise à rendre le système électoral canadien plus conforme à son principe de base initial, la représentation selon la population. On peut affirmer qu’une révision basée sur la formule prescrite dans le projet de loi atteindrait mieux cet objectif que la formule actuellement employée. Selon la nouvelle formule, les provinces dont la population augmentera le plus rapidement, soit l’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Ontario, devraient, après la révision de 2011, recevoir une part des sièges correspondant davantage, voire presque exactement dans certains cas, à leur part de la population totale des provinces(17).
Toutefois, le premier ministre de l’Ontario, Dalton McGuinty, et d’autres ont signalé que même sous le nouveau régime de révision de la représentation des provinces à la Chambre des communes établi dans le projet de loi, l’Ontario demeurera sous-représentée à la Chambre(18). Le projet de loi suscite également des réserves à l’Assemblée nationale du Québec. La province conservera bien ses 75 sièges, mais la nouvelle formule de révision entraînera une baisse du pourcentage des sièges détenus par la province à la Chambre. Le 16 mai 2007, l’Assemblée nationale a unanimement appuyé une motion exhortant le gouvernement fédéral à retirer son projet de loi sur la réforme démocratique(19).
Il convient peut-être aussi de noter que le projet de loi propose un diviseur ascendant pour réviser le nombre de sièges de chaque province à la Chambre des communes. Ainsi, les augmentations du nombre de députés fédéraux seront plus importantes que celles qu’entraînerait une formule basée sur un diviseur électoral fixe. De plus, 30 ans après l’entrée en vigueur du projet de loi, les augmentations fondées sur un nombre total de sièges révisé au moyen d’un diviseur électoral ascendant auront un effet cumulatif, contrairement à ce qui se produirait s’il était révisé au moyen d’un diviseur électoral fixe. Cela pourrait avoir pour résultat de produire des augmentations beaucoup trop fortes du nombre de sièges, comme le ferait la formule de « l’amalgame ».
À l’entrée en vigueur du présent paragraphe et, par la suite, à l’issue de chaque recensement décennal, il est procédé à la révision du nombre des députés et de la représentation des provinces à la Chambre des communes selon les pouvoirs conférés et les modalités de temps ou autres fixées en tant que de besoin par le Parlement du Canada, compte tenu des règles suivantes.
Voir aussi la section Contexte du présent résumé législatif, intitulée « La formule à la Confédération », partie 1, p. 3.
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