Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-36 : Loi modifiant le Code criminel (titre abrégé : « Loi renforçant la sévérité des peines d’emprisonnement pour les crimes les plus graves ») a franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes le 5 juin 2009 et il a été renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre, qui a proposé quelques amendements de forme. Le projet de loi amendé a franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes le 25 novembre 2009 et il a été présenté au Sénat le lendemain. Le projet de loi modifie les dispositions du Code criminel (le Code) en ce qui concerne le droit qu’ont les personnes déclarées coupables de meurtre ou de haute trahison de présenter une demande de libération conditionnelle anticipée(1) : il abroge la disposition dite « de la dernière chance » (ou « clause de la dernière chance »), qui permet aux auteurs d’actes de meurtres ou de haute trahison condamnés à l’emprisonnement à perpétuité de présenter une demande de libération conditionnelle après avoir purgé 15 ans de leur peine.
L’article 745.6 du Code est appelé communément « disposition de la dernière chance », parce qu’il rend les délinquants qui purgent une peine pour haute trahison ou meurtre(2) admissibles à une libération conditionnelle après 15 ans d’emprisonnement, même si leur peine est l’emprisonnement à perpétuité avec un délai préalable à la libération conditionnelle de plus de 15 ans.
Les délinquants (ou « contrevenants » – les deux termes sont utilisés dans le Code) reconnus coupables de meurtre au premier degré(3) sont condamnés à perpétuité; il s’agit d’une peine minimale pour laquelle le délai préalable (ou période d’inadmissibilité) à la libération conditionnelle est fixé par la loi à 25 ans. Les délinquants reconnus coupables de meurtre au deuxième degré sont aussi passibles d’une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité, mais dans ce cas le juge fixe le délai préalable à la libération conditionnelle à un nombre d’années entre 10 et 25 ans. Les condamnés à perpétuité peuvent être libérés seulement si la Commission nationale des libérations conditionnelles leur accorde la libération conditionnelle. Contrairement à la plupart des détenus purgeant une peine de durée déterminée, par exemple de deux, 10, ou 20 ans, les condamnés à perpétuité ne sont pas admissibles à la libération d’office(4). S’ils obtiennent la libération conditionnelle, ils demeurent assujettis aux modalités de cette dernière et à la surveillance d’un agent de libération conditionnelle du Service correctionnel du Canada pendant toute leur vie. La libération conditionnelle peut être révoquée et ils peuvent être emprisonnés de nouveau en tout temps s’ils manquent aux conditions de leur libération conditionnelle ou s’ils sont reconnus coupables d’une nouvelle infraction. La libération conditionnelle n’est pas accordée à tous les condamnés à perpétuité, parce que le risque de récidive est trop grand dans certains cas.
Durant les années qui ont suivi son adoption initiale, en 1976, la « disposition de la dernière chance » a été modifiée à diverses reprises. À l’heure actuelle, les critères qui président à l’éventuelle libération conditionnelle d’un condamné à perpétuité sont les suivants :
Une révision au titre de la « disposition de la dernière chance » n’est donc pas l’occasion de juger à nouveau l’infraction commise à l’origine, ni une audience de libération conditionnelle. Une décision favorable rendue par le juge et le jury ne fait que raccourcir le délai qui doit s’écouler avant que le délinquant soit admissible à la libération conditionnelle.
La Cour suprême du Canada a déclaré que l’objectif de cette procédure de révision est de réexaminer une décision juridique à la lumière de changements qui se seraient produits dans la situation du requérant depuis le prononcé de sa peine et qui pourraient justifier la réduction du délai préalable à la libération conditionnelle. L’article 745.6 du Code donne au jury un large pouvoir discrétionnaire pour étudier toute question relative à la situation du délinquant, et la Cour suprême a fourni des lignes directrices relativement à l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, notamment que le jury doit prendre en considération uniquement l’affaire du requérant et s’abstenir de juger les affaires d’autres détenus qui peuvent avoir commis des infractions après avoir été mis en libération conditionnelle. La Cour a aussi déclaré qu’il ne revient pas au jury de juger de l’efficacité du processus de libération conditionnelle en vigueur(6).
En juillet 1976, le Parlement a voté en faveur de l’abolition de la peine de mort pour des infractions au Code (la peine de mort pour les infractions militaires a été abolie en 1999). Le Code a été modifié et les catégories de meurtre ont changé : le meurtre qualifié et le meurtre non qualifié sont devenus le meurtre au premier degré et le meurtre au second degré. De plus, le législateur a introduit les peines minimales obligatoires dans les cas de meurtre. Le compromis auquel sont arrivés les partisans de la peine de mort et leurs opposants a été son remplacement par l’emprisonnement à long terme sans possibilité de libération conditionnelle.
La « disposition de la dernière chance » a été adoptée en 1976, parallèlement à l’abolition de la peine de mort. S’exprimant en faveur de l’abolition de la peine de mort et de l’ajout de la « disposition de la dernière chance » au Code, le solliciteur général d’alors, Warren Allmand, a déclaré :
Je ne suis pas d’accord avec ceux qui prétendent qu’une peine d’emprisonnement à vie sans admissibilité à la libération conditionnelle avant 25 ans est pire que la mort. Une période d’incarcération avec espoir de libération conditionnelle et l’encouragement supplémentaire qui en découle pour le détenu, et la protection des gardiens, et la possibilité de revue de cette admissibilité à la libération conditionnelle après 15 ans est nécessairement mieux qu’une sentence de mort parce qu’elle supprime la possibilité d’une erreur irréversible d’exécution.(7)
Ainsi, la « disposition de la dernière chance » a été ajoutée au Code dans l’espoir qu’elle puisse constituer un incitatif pour favoriser la réadaptation de délinquants purgeant de longues peines et, par voie de conséquence, offrir une protection accrue aux gardiens de prison. On affirme aussi que cette disposition montre que le Parlement était bien conscient du délai préalable à la libération conditionnelle imposé par d’autres pays en cas de meurtre. Par exemple en Angleterre, en Australie, en Belgique, au Danemark, en Écosse, en Nouvelle-Zélande et en Suisse, les personnes déclarées coupables de meurtre sont emprisonnées pendant 15 ans, en moyenne, avant d’être considérées admissibles à la libération conditionnelle(8).
Au cours du débat sur l’abolition de la peine de mort, d’aucuns ont soulevé des inquiétudes concernant la « disposition de la dernière chance ». Un député a déclaré qu’avant d’aller plus loin en matière de dispositions relatives à la libération conditionnelle, il faudrait envisager une réforme complète du Code, afin de tenir compte de la réadaptation, de l’aide aux victimes de crimes et de l’accroissement des droits consentis aux policiers(9). Ce même député, C.A. Gauthier, a dit s’inquiéter de ce qu’« aussi longtemps que nous persisterons à enfermer nos criminels dans nos écoles du crime que sont devenues nos prisons [...] ils n’en sortiront que plus révoltés, et je dirais même, encore plus raffinés dans leurs actions futures »(10). Toutefois, dans le même ordre d’idées, si l’État est responsable du bien-être des détenus, il l’est encore davantage de celui des victimes d’actes criminels. Un autre député, Norman A. Cafik, a fait remarquer que les gens estimaient qu’on mettait l’accent sur la réadaptation des criminels plutôt que sur la protection de la société. M. Cafik était d’avis que la société devrait veiller à ce que les peines imposées soient proportionnelles à la gravité du crime commis et qu’elles soient purgées de façon à maximiser l’effet dissuasif du droit pénal. Il a aussi déclaré que la perception du public était très importante et que les gouvernements devaient se comporter de façon à rétablir la confiance essentielle du public(11).
La première audience dans le cadre de la révision judiciaire de la « disposition de la dernière chance » a eu lieu en 1987. Au 13 avril 2009, 991 délinquants avaient été jugés admissibles à la révision judiciaire. De ce nombre, 174 avaient fait l’objet d’une décision du tribunal; 144 de ce groupe avaient été autorisés à demander une libération conditionnelle anticipée; et 131 de ce dernier groupe avaient été mis en liberté conditionnelle – un peu plus de 13 p. 100 de ceux qui avaient été jugés admissibles à la révision de la date de leur admissibilité à la libération conditionnelle(12).
Selon les dernières statistiques publiées par le Service correctionnel du Canada (SCC) – pour le mois d’avril 2008(13) – concernant le sort des détenus mis en liberté conditionnelle en vertu de la « disposition de la dernière chance », parmi les 125 délinquants qui avaient été mis en liberté conditionnelle jusque-là, 95 faisaient l’objet d’une surveillance active dans la collectivité, 15 avaient été réincarcérés, 11 étaient décédés, un était illégalement en liberté et trois avaient été expulsés(14). Ces statistiques indiquent aussi que sur un total de 22 831 délinquants sous la garde du SCC à ce moment-là, 4 429 ou 19,4 p. 100 purgeaient des peines d’emprisonnement à perpétuité, presque tous pour meurtre(15). À titre comparatif, une étude publiée en juillet 2009 indique qu’aux États-Unis 140 610 détenus – ou 9 p. 100 de l’ensemble de la population carcérale – purgeaient des peines d’emprisonnement à perpétuité(16).
Bien que le Code ne comporte qu’une seule définition du meurtre et un seul régime de détermination de la peine imposé partout au Canada, les lois relatives à l’imposition de peines relatives au meurtre ont beaucoup changé depuis une cinquantaine d’années. En novembre 2002, le SCC a publié une étude sur la durée moyenne des peines purgées par les délinquants condamnés à perpétuité(17). Cette étude portait sur trois périodes déterminées selon les mesures législatives alors en vigueur relativement aux meurtres :
Avant le 1er septembre 1961, toute personne reconnue coupable de meurtre au Canada faisait automatiquement l’objet d’une condamnation à mort et la peine était exécutée, à moins que le gouverneur général, sur la recommandation du conseil des ministres, commue la sentence en emprisonnement à perpétuité. Il s’agissait de la prérogative royale de clémence. Certains faits historiques indiquent qu’on en usait fréquemment, et avec souplesse. Entre l’avènement de la Confédération en 1867 et 1962, l’année de la dernière exécution au Canada, le Cabinet fédéral a commué un peu moins de la moitié des peines de mort en peines d’emprisonnement à perpétuité(18). La décision d’exécuter ou non la peine se prenait au cas par cas et ne s’appuyait sur aucune règle officielle d’évaluation. Le gouverneur général n’était pas tenu de justifier ses décisions, et les délibérations du Cabinet n’étaient pas notées. En fait, il a été dit que « les décisions en matière de clémence constituaient un geste macabre d’équilibre dans lequel les préjugés personnels et l’opportunisme politique faisaient souvent pencher la balance »(19).
Au cours de cette période, soit de 1899 à 1959, la Loi sur les libérations conditionnelles (Ticket of Leave Act) s’appuyait sur le principe que la libération était une partie importante du processus de réadaptation. Selon ses dispositions, le gouverneur général pouvait accorder une libération conditionnelle à toute personne qui purgeait une peine d’emprisonnement. Bien qu’elle ne se soit pas appliquée aux cas de condamnation à mort, il a été possible, à partir d’un certain moment, d’octroyer la libération conditionnelle dans les cas de commutation de la peine de mort en emprisonnement à perpétuité. Le 15 février 1959, la proclamation de la Loi sur la libération conditionnelle (LLC) a entraîné l’abrogation de la Loi sur les libérations conditionnelles. La nouvelle loi a consacré le principe de réadaptation et créé la Commission nationale des libérations conditionnelles.
La libération conditionnelle était la permission accordée au délinquant d’être en liberté pendant qu’il purgeait sa peine(20). La LLC a établi un nouveau critère de libération conditionnelle : la Commission pouvait remettre un détenu en liberté « si l’effet positif maximal de l’emprisonnement avait été atteint par le détenu, si la libération conditionnelle devait faciliter l’amendement et la réadaptation du détenu et si la mise en liberté du détenu ne constituait pas un trop grand risque pour la société »(21). Selon les dispositions de la LLC, la Commission devait, à certains moments prévus par règlement, examiner le cas de tout détenu purgeant une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus, qu’une demande ait été ou non faite par le détenu ou en son nom. Les détenus condamnés pour meurtre demeuraient admissibles à une libération seulement par l’application de mesures telles que la réduction de peine, le pardon et la prérogative royale de clémence.
Les modifications apportées au Code en 1961 ont officiellement établi une distinction formelle entre la peine de mort et l’emprisonnement à perpétuité, ce qui a mené à la création de deux catégories de meurtre : le meurtre qualifié et le meurtre non qualifié, le premier étant défini comme « le meurtre prémédité et commis de propos délibéré, à l’occasion de certains crimes avec violence, par l’intervention directe ou sur les conseils de l’accusé; et le meurtre d’un agent de police ou d’un garde de prison dans l’exercice de ses fonctions, meurtre résultant d’une telle intervention directe ou de tels conseils »(22). La peine obligatoire en cas de meurtre qualifié continuait d’être la pendaison, sauf pour les accusés de moins de 18 ans. Tous les autres meurtres, considérés comme des meurtres non qualifiés, restaient punissables d’emprisonnement à perpétuité. En 1961, outre les modifications susmentionnées, on a instauré l’examen automatique, par la cour d’appel provinciale, de tous les cas de condamnation pour meurtre qualifié et on a accordé pleinement aux condamnés le droit d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada. Il s’agissait en réalité d’un examen des faits ou des points de droit liés à la condamnation, car la peine était obligatoire et ne pouvait être réduite que par le Cabinet.
Comme nous l’avons indiqué précédemment, le Parlement a voté en faveur de l’abolition de la peine de mort pour les infractions au Code en juillet 1976. Le Code a été modifié et le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré ont remplacé le meurtre qualifié et le meurtre non qualifié. L’imposition obligatoire de peines minimales assorties de longs délais préalables à la libération conditionnelle a été instaurée.
L’étude du SCC(23) a révélé que la durée moyenne d’incarcération des délinquants condamnés pour meurtre avant 1961 était de 19,6 ans. Dans cette étude, la durée de l’incarcération s’entendait de l’intervalle entre le début de la peine imposée pour le meurtre et l’un des événements suivants : la mort, une libération sur ordonnance judiciaire, l’exercice de la prérogative royale de clémence ou une libération conditionnelle. Entre 1961 et 1976, la durée d’incarcération moyenne a été de 15,8 et de 14,6 ans pour les personnes purgeant une peine pour meurtre qualifié et pour meurtre non qualifié respectivement. Cette diminution de la durée de l’incarcération par rapport à la période antérieure tenait fort probablement aux modifications législatives ainsi qu’à l’instauration de la LLC en 1959.
Les changements les plus marqués concernant la durée de l’incarcération des délinquants condamnés pour meurtre se sont produits après l’abolition de la peine de mort en 1976 : la durée moyenne de l’incarcération pour meurtre au premier degré rapportée dans l’étude du SCC est passée à 22,4 ans, soit une augmentation de 6,6 ans par rapport à la durée moyenne dans le cas du meurtre qualifié. Toutefois, selon les auteurs, ce chiffre sous-estime probablement la réalité, puisqu’il ne s’était pas écoulé suffisamment de temps depuis 1976 pour permettre de tirer des conclusions au sujet de la durée d’incarcération maximale.
Durant la période visée par cette étude, la durée d’incarcération a varié en raison de la diversité des mécanismes jouant dans l’octroi des libérations. Avant 1961, le meurtre entraînait la peine de mort ou sa commutation en emprisonnement à perpétuité, ce qui occasionnait d’importantes variations de la durée des peines imposées. De 1961 à 1976, les détenus dont la peine avait été commuée ou qui avaient été reconnus coupables de la nouvelle infraction de meurtre non qualifié étaient admissibles à la libération conditionnelle, ce qui fait qu’on a enregistré durant cette période les durées moyennes d’incarcération les plus courtes, particulièrement dans les cas de meurtre qualifié. Depuis 1976, le délai préalable à la libération conditionnelle dans les cas de meurtre au premier degré a été porté à 25 ans, bien que la « disposition de la dernière chance » permette dans certains cas aux détenus d’être admissibles à la libération conditionnelle après 15 ans. La durée moyenne d’incarcération n’a jamais été aussi longue pour les cas de meurtre les plus graves; elle n’a que légèrement augmenté pour les cas de meurtre au deuxième degré(24).
Une comparaison de la durée moyenne d’incarcération des délinquants condamnés à perpétuité pour meurtre au premier degré effectuée en 1999 au niveau international (tableau 1) permet de conclure que la durée moyenne est plus longue au Canada – 28,4 ans(25) – que dans tous les pays visés par l’étude, y compris les États-Unis (exception faite des peines d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle).
Pays | Durée de l’incarcération (années) |
---|---|
Nouvelle-Zélande | 11,0 |
Écosse | 11,2 |
Suède | 12,0 |
Belgique | 12,7 |
Australie | 14,8 |
États-Unis Emprisonnement à perpétuité, possibilité de libération conditionnelle |
18,5 |
États-Unis Emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle |
29,0 |
Source: Ministère de la Justice, Détermination de la peine juste et équitable – Approche canadienne à la politique de détermination de la peine, octobre 2005.
Les pays où les peines imposées aux délinquants reconnus coupables de meurtre sont les plus longues et les plus courtes fournissent des points de comparaison avec ce qui se fait au Canada. En Nouvelle-Zélande, les détenus deviennent admissibles à la libération conditionnelle après sept ans s’ils ont été condamnés avant le 1er août 1987 ou après dix ans s’ils ont été condamnés après cette date, à moins qu’une peine minimale ait été imposée par la cour. Selon les dernières statistiques publiées, portant sur la période du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003, la durée d’incarcération moyenne de cette catégorie de détenus est de 12,1 ans(26).
Aux États-Unis, les lois de tous les États prévoient l’emprisonnement à perpétuité, mais leur sévérité et leur application varient beaucoup. Dans six États – Dakota du Sud, Illinois, Iowa, Louisiane, Maine et Pennsylvanie – et au fédéral, la peine d’emprisonnement à perpétuité exclut toute possibilité de libération conditionnelle. Seul l’Alaska prévoit la possibilité d’une libération conditionnelle pour tous les cas d’emprisonnement à perpétuité, tandis que les autres 43 États ont des lois qui permettent de condamner les délinquants à perpétuité en leur accordant ou non la possibilité d’une libération conditionnelle.
Pour les peines d’emprisonnement à perpétuité avec possibilité de libération conditionnelle, le délai préalable à la libération conditionnelle varie beaucoup d’un État à l’autre, soit de 10 ans au Utah à 40 et même 50 ans en Californie, au Colorado et au Kansas. La médiane du délai préalable au niveau national se situe à environ 25 ans. Toutefois, l’admissibilité n’entraîne pas nécessairement la libération et, en raison de la réticence des comités de révision et de certains gouverneurs, il est devenu de plus en plus difficile pour les détenus condamnés à perpétuité d’obtenir une libération conditionnelle(27).
Le projet de loi C-36 est composé de sept articles, dont nous examinons ici les plus importants.
L’actuel article 745.01 du Code oblige le juge à lire, au moment de prononcer la peine, une déclaration concernant la possibilité de demander une révision judiciaire du délai préalable à la libération conditionnelle. Selon cette déclaration, le délinquant qui a purgé au moins 15 ans de sa peine peut, en vertu de l’article 745.6 du Code, demander une réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle. Conformément au paragraphe 745.6(2), l’article 745.6 ne s’applique pas aux personnes reconnues coupables d’avoir perpétré plus d’un meurtre. L’article 2 du projet de loi ajoute le paragraphe 745.01(2) au Code, pour indiquer que la déclaration ne sera pas faite si le projet de loi est en vigueur au moment où l’infraction a été commise.
L’article 3 du projet de loi ajoute un certain nombre d’alinéas à l’article 745.6 du Code, modifiant ainsi certains aspects du processus de demande de révision judiciaire en cas d’emprisonnement à perpétuité. Premièrement, le nouvel alinéa 745.6(1)a.1) indique clairement que la « disposition de la dernière chance » s’applique uniquement si le meurtre ou l’acte de haute trahison a été commis avant la date d’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi. Le projet de loi ne sera donc pas rétroactif : la « disposition de la dernière chance » continuera de s’appliquer aux délinquants qui purgent actuellement leur peine ou qui sont en attente d’une condamnation pour meurtre, mais non à ceux qui commettront une infraction après l’entrée en vigueur du projet de loi.
L’article 3 impose un certain nombre d’autres restrictions aux détenus autorisés à demander une révision judiciaire. Les nouvelles demandes doivent être présentées dans les 90 jours suivant le jour où le détenu aura purgé 15 ans de sa peine ou dans les 90 jours suivant l’entrée en vigueur du projet de loi. La présentation d’une nouvelle demande doit être faite dans les 90 jours suivant le cinquième anniversaire de la dernière demande présentée ou de la date fixée par le juge ou le jury. Si une telle demande n’est pas présentée, ou si une demande est rejetée, il doit s’écouler cinq ans avant qu’une nouvelle demande puisse être présentée, un délai supérieur au délai actuel de deux ans. Le délinquant devra présenter une demande dans les 90 jours suivant cette date.
Selon les nouvelles dispositions, un requérant dont la demande de révision judiciaire est rejetée peut présenter deux demandes : la première lorsqu’il devient admissible après avoir purgé 15 ans de sa peine et la seconde après 20 ans. À l’heure actuelle, le requérant dont la demande de révision judiciaire est rejetée peut présenter cinq demandes : après avoir purgé 15, 17, 19, 21 et 23 ans de sa peine (à condition que ces demandes soient autorisées par un juge ou un jury).
L’article 745.61 du Code expose la procédure que doit suivre le juge en chef ou le juge désigné de la cour supérieure pour décider si un requérant qui demande une révision judiciaire de sa peine lui donne raison de penser, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a une possibilité réelle que la demande soit accueillie favorablement. L’article 4 du projet de loi remplace « possibilité réelle » par « probabilité marquée ». Cette reformulation, qui impose des conditions plus rigoureuses pour ce qui est de faire la démonstration des chances qu’une demande soit accueillie, est effectuée dans les paragraphes 745.61(1), 745.61(3), 745.61(4) et 745.61(5) du Code.
L’article 4 modifie aussi la durée du délai imposé à un requérant qui désire présenter une deuxième demande, lorsque sa première demande a été rejetée. Actuellement, le paragraphe 745.61(3) dispose que lorsqu’un juge décide qu’une demande n’a aucune possibilité réelle d’être agréée, il peut soit fixer un délai d’au moins deux ans au terme duquel une nouvelle demande peut être présentée ou décider de refuser la présentation de toute autre demande. Le projet de loi modifie ces conditions pour porter à cinq ans la période qui doit s’écouler avant la présentation d’une nouvelle demande. L’actuel paragraphe 745.61(4) dispose que si un juge ne fixe pas de limite de temps, le requérant est autorisé à présenter une nouvelle demande au plus tôt deux ans après la date de la présentation de sa dernière demande. Ce délai est lui aussi porté à cinq ans par le projet de loi.
L’article 5 apporte des modifications semblables lorsqu’un jury a été constitué. Dans ce cas, le délai actuel de deux ans qu’un jury peut fixer avant qu’une autre demande de révision judiciaire puisse être présentée est porté à cinq ans. De la même façon, si un jury ne fixe pas de délai et n’interdit pas la présentation d’une nouvelle demande, le requérant n’est pas autorisé à présenter une nouvelle demande avant au moins cinq ans (par opposition au délai actuel de deux ans) après que le jury a fait connaître sa décision.
L’article 6 confirme que les demandes présentées en vertu de la « disposition de la dernière chance » qui n’auront pas été réglées au moment de l’entrée en vigueur du projet de loi relèveront des dispositions actuelles du Code. Si une demande est refusée, le délai de deux ans actuellement en vigueur est maintenu, mais le délinquant doit présenter une autre demande dans les 90 jours après son expiration. Ce même délai de 90 jours doit être respecté si un juge ou un jury décide qu’il faut respecter un délai précis avant qu’une demande puisse être présentée à nouveau.
Le projet de loi C-36 a suscité de vifs débats concernant l’importance accordée à la « disposition de la dernière chance » dans le système de justice pénale. La présente partie du résumé législatif tente de présenter le plus fidèlement possible les points de vue exprimés sur cette question, en insistant en particulier sur les comptes rendus des médias.
Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes a accordé son appui au projet de loi. Selon Heidi Illingworth, membre de ce regroupement, « la procédure de révision judiciaire [relative à la libération conditionnelle] est en fait une peine cruelle et inusitée imposée aux survivants »(28). Teresa McQuaig, dont le petit-fils, Sylvain Leduc, a été assassiné en 1995, a applaudi la présentation du projet de loi, en déclarant qu’il se pouvait que cela signifie que sa famille n’ait pas à subir l’épreuve de témoigner pour empêcher que les assassins soient libérés. Elle a dit que « les crimes horribles qu’ils ont commis devraient exclure tout cadeau d’un laissez-passer pour la liberté »(29).
Les tenants de l’« adéquation de la peine et du crime » sont eux aussi favorables à l’abrogation de la « disposition de la dernière chance ». Comme le soulignait l’auteur d’un éditorial, lorsqu’un juge condamne un délinquant à l’emprisonnement à perpétuité avec un délai préalable à sa libération conditionnelle de 25 ans et que la « disposition de la dernière chance » permet à ce délinquant d’être libéré 10 ans plus tôt, la peine imposée par le juge est un « mensonge » dès qu’elle est prononcée(30). L’auteur enchaîne en déclarant que les meurtriers qui, délibérément, enlèvent la vie à une personne devraient être tenus de renoncer à une partie de la leur en échange. L’atténuation de la peine ne devrait pas constituer un choix.
Les partisans du maintien de la « disposition de la dernière chance » invoquent le fait que les juges et les jurys qui considèrent la possibilité de réduire la durée d’une peine prennent souvent en considération les circonstances qui ont incité le délinquant à s’engager sur une mauvaise voie, des facteurs tels que la pauvreté et le syndrome d’alcoolisation fœtale. Ils reconnaissent aussi qu’il arrive que des erreurs soient commises durant un procès et qu’ainsi des innocents peuvent être reconnus coupables. Tout en admettant que les personnes reconnues coupables de meurtre méritent d’être traitées sévèrement, les partisans du maintien de l’article 745.6 du Code disent que les délinquants doivent pouvoir garder espoir, puisque l’un des buts de l’imposition d’une peine est la réadaptation. En d’autres mots, ils sont d’avis que l’on doit faire preuve de compassion dans l’administration de la justice(31).
La John Howard Society n’appuie pas le projet de loi. Ses représentants affirment que la « disposition de la dernière chance » peut être un incitatif favorisant la réadaptation des détenus. Ils ajoutent que l’abrogation de cette disposition pourrait se traduire par un accroissement de la violence dans les prisons au Canada, puisque le fait de priver ainsi les détenus de l’espoir d’une dernière chance pourrait bien les priver d’une raison d’améliorer leur comportement(32).
William Trudell, président du Conseil canadien des avocats de la défense a souligné le fait qu’aucun délinquant ne peut être libéré en vertu de la « disposition de la dernière chance » à moins qu’un jury en décide. À son avis, le projet de loi est une « érosion du pouvoir discrétionnaire qui fait évoluer le système vers une rigidité accrue, modifiant le système de justice pénale tel que nous le connaissons », et « chaque situation comporte une dimension humaine, raison pour laquelle s’imposent un certain pouvoir discrétionnaire et la possibilité de soupeser les éléments du cas »(33).
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
(1) Commet une haute trahison quiconque, au Canada, selon le cas :
a) tue ou tente de tuer Sa Majesté, ou lui cause quelque lésion corporelle tendant à la mort ou destruction, ou l’estropie ou la blesse, ou l’emprisonne ou la détient;
b) fait la guerre contre le Canada ou accomplit un acte préparatoire à une telle guerre;
c) aide un ennemi en guerre contre le Canada, ou des forces armées contre lesquelles les Forces canadiennes sont engagées dans des hostilités, qu’un état de guerre existe ou non entre le Canada et le pays auquel ces autres forces appartiennent.
(2) Commet une trahison quiconque, au Canada, selon le cas :
a) recourt à la force ou à la violence en vue de renverser le gouvernement du Canada ou d’une province;
b) sans autorisation légitime, communique à un agent d’un État étranger, ou met à la disposition d’un tel agent, des renseignements d’ordre militaire ou scientifique ou tout croquis, plan, modèle, article, note ou document de nature militaire ou scientifique alors qu’il sait ou devrait savoir que cet État peut s’en servir à des fins préjudiciables à la sécurité ou à la défense du Canada;
c) conspire avec qui que ce soit pour commettre une haute trahison ou accomplir une chose mentionnée à l’alinéa a);
d) forme le dessein d’accomplir une haute trahison ou d’accomplir une chose mentionnée à l’alinéa a) et révèle ce dessein par un acte manifeste;
e) conspire avec qui que ce soit pour accomplir une chose mentionnée à l’alinéa b) ou forme le dessein d’accomplir une chose mentionnée à l’alinéa b) et révèle ce dessein par un acte manifeste.
La définition de meurtre se trouve à l’art. 229 du Code :
L’homicide coupable est un meurtre dans l’un ou l’autre des cas suivants :
a) la personne qui cause la mort d’un être humain :
(i) ou bien a l’intention de causer sa mort,
(ii) ou bien a l’intention de lui causer des lésions corporelles qu’elle sait être de nature à causer sa mort, et qu’il lui est indifférent que la mort s’ensuive ou non;
b) une personne, ayant l’intention de causer la mort d’un être humain ou ayant l’intention de lui causer des lésions corporelles qu’elle sait de nature à causer sa mort, et ne se souciant pas que la mort en résulte ou non, par accident ou erreur cause la mort d’un autre être humain, même si elle n’a pas l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles à cet être humain;
c) une personne, pour une fin illégale, fait quelque chose qu’elle sait, ou devrait savoir, de nature à causer la mort et, conséquemment, cause la mort d’un être humain, même si elle désire atteindre son but sans causer la mort ou une lésion corporelle à qui que ce soit.
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