Résumé législatif du Projet de loi C-12

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi C-12 : Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (représentation démocratique)
Andre Barnes, Division des affaires juridiques et législatives
Publication no 40-3-C12-F
PDF 222, (10 Pages) PDF
2010-04-15

1 Introduction

Le projet de loi C-12 : Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (représentation démocratique) (titre abrégé : « Loi sur la représentation démocratique ») a été présenté à la Chambre des communes par le ministre d’État (Réforme démocratique), l’honorable Steven Fletcher, et adopté en première lecture le 1er avril 2010. Il modifie la Loi constitutionnelle de 1867 en révisant le nombre des députés à la Chambre des communes et des représentants des diverses provinces. Le projet de loi a déjà été présenté deux fois à la Chambre des communes : au cours de la deuxième session de la 39e législature sous le numéro C-22 et au cours de la première session de la 39e législature sous le numéro C-56. Ces deux projets de loi sont morts au Feuilleton avant la deuxième lecture.

L’objectif démocratique du système électoral canadien, tel qu’il est énoncé dans la Loi électorale du Canada, est conforme au principe d’« un électeur, un vote »1. En réalité, toutefois, l’application de ce principe exige dans une certaine mesure un compromis acceptable. Depuis la Confédération, on a eu recours à plusieurs formules pour répartir les sièges à la Chambre des communes entre les provinces; chacune de ces formules devait établir un équilibre entre l’égalité absolue du pouvoir électoral et la représentation efficace.

Le projet de loi C-12 vise à corriger la distorsion qui se produit lorsque la croissance du nombre de représentants élus attribué à chaque province ne correspond pas à celle de la population. À cette fin, il promulgue une nouvelle formule de révision du nombre de sièges à la Chambre des communes. À l’instar de la formule actuelle, celle qui est prescrite dans le projet de loi prévoit la révision du nombre de sièges après chaque recensement décennal et l’attribution des nouveaux sièges à la province ou aux provinces dont la population aura augmenté entre les deux recensements.

La formule énoncée dans le projet de loi est différente essentiellement en ce qu’elle réduit le nombre par lequel on divisera la population totale de chaque province (diviseur électoral) pour déterminer le nombre de sièges qui lui sera attribué à la Chambre des communes. Le diviseur électoral est censé correspondre à la moyenne nationale maximale de la population d’une circonscription2. Puisqu’un diviseur plus petit donne un quotient plus élevé, la nouvelle formule aurait pour effet de donner aux provinces dont la population est à la hausse une augmentation du nombre de leurs députés à la Chambre plus importante que celle qui résulterait de la formule actuelle. Le fondement juridique de la révision du nombre de sièges à la Chambre des communes est l’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui confère au Parlement du Canada le pouvoir de réviser le nombre des députés à la Chambre des communes et d’établir les modalités et la périodicité de cette révision3.

Quant au pouvoir du Parlement de modifier l’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867, l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 dispose que :

Sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.

L’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 habilite donc le gouvernement à modifier, par une loi fédérale, la formule constitutionnelle de répartition des sièges à la Chambre des communes.

2 Contexte

2.1 Historique de la formule

Les différences entre les populations respectives de l’Ontario, du Québec et des provinces maritimes à l’époque de la Confédération ont entraîné l’adoption de la « représentation selon la population », ou de l’égalité des électeurs, comme principe directeur régissant la représentation à la Chambre des communes4. Au fil du temps, à la faveur de la croissance du pays, la population s’est répartie inégalement dans les provinces, ce qui a créé des écarts numériques qui ont obligé à des compromis et à des concessions censés combler la différence lorsqu’on s’éloignait trop de l’égalité des électeurs5.

2.1.1 La formule à la Confédération

L’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867 dispose qu’il faut calculer le nombre de sièges attribués à chaque province à la Chambre des communes en divisant la population de chacune par un nombre fixe appelé « quotient électoral »6. On obtenait ce quotient électoral en divisant la population du Québec par 65, soit le nombre de sièges à la Chambre des communes que cette loi garantissait à la province. Après chaque recensement décennal à compter de celui de 1871, le nombre de sièges à la Chambre des communes devait être révisé.

La Loi constitutionnelle de 1867 prévoyait de plus qu’aucune province ne pouvait perdre de siège à l’occasion d’un redécoupage électoral, à moins que le pourcentage de sa population par rapport à la population totale du pays n’ait diminué d’au moins 5 % (un vingtième) entre les deux derniers recensements; aussi appelait-on cette exigence la « règle du vingtième »7.

2.1.2 La « clause sénatoriale » (1915)

Au cours des années qui ont précédé la Confédération, on a commencé à craindre que les tendances dans les transferts de population ne finissent par entraîner une perte importante de représentation dans certaines provinces8. Pour se prémunir contre cette éventualité, le Parlement a apporté, en 1915, la toute première modification à la formule de représentation initiale en ajoutant l’article 51(A) à la Loi constitutionnelle de 1867. Cette disposition, qui est toujours en vigueur aujourd’hui, précise qu’une province ne peut avoir moins de sièges à la Chambre des communes qu’au Sénat9.

2.1.3 Les modifications apportées à la formule en 1946 et en 1951

Comme un certain nombre de provinces étaient de plus en plus mécontentes des règles régissant la répartition provinciale des sièges à la Chambre des communes, parce que ces règles faussaient de façon inacceptable les résultats de l’application du principe de la représentation selon la population10, la Constitution a été modifiée en 1946 de manière à établir une nouvelle formule de révision de l’attribution des sièges à la Chambre des communes. On a fixé à 255 le nombre total de sièges, dont un pour le Yukon, les 254 autres étant répartis parmi les provinces en fonction de leur part de la population totale du pays plutôt que selon la population moyenne par circonscription électorale au Québec11. De plus, la formule du « vingtième » a été abolie12.

La population n’augmentant pas à la même cadence dans toutes les provinces, on n’a pas tardé à constater qu’avec cette nouvelle formule, celles qui avaient les taux de croissance démographique les plus faibles perdraient des sièges à la Chambre. Parce que les provinces de la Nouvelle-Écosse, du Manitoba et de la Saskatchewan devaient toutes en perdre après le recensement de 1951, on a modifié la Loi constitutionnelle de 1867 en y intégrant la « clause des 15 % » afin d’éviter une chute rapide de la représentation fédérale dans certaines provinces.13 Cette disposition prévoyait qu’aucune province ne pouvait perdre plus de 15 % des sièges à la Chambre auxquels elle avait droit en vertu de la révision précédente ni y détenir moins de sièges qu’une province ayant une population plus faible. Il n’en demeure pas moins qu’au terme des révisions suivantes, de plus en plus de provinces ont perdu des sièges.

2.1.4 La formule de « l’amalgame » (1974)

La Loi sur la représentation (1974), aussi désignée par l’expression « formule de l’amalgame », a été adoptée en vue de garantir notamment qu’aucune province ne perdrait de siège14. Cette nouvelle formule portait le nombre de sièges du Québec de 65 à 75 et prévoyait que la province gagnerait automatiquement quatre sièges à chaque révision ultérieure pour tenir compte de la croissance de sa population. La formule créait aussi trois catégories de provinces : les provinces très peuplées (au moins 2,5 millions d’habitants), les provinces moyennement peuplées (entre 1,5 et 2,5 millions d’habitants) et les provinces peu peuplées (moins de 1,5 million d’habitants). Les provinces très peuplées se sont vu attribuer proportionnellement autant de sièges que le Québec, tandis que des règles distinctes et plus généreuses ont été établies pour le calcul du nombre de sièges des provinces peu ou moyennement peuplées15.

On a appliqué la formule de l’amalgame une fois, en 1976, pour porter le nombre de sièges à la Chambre des communes à 282, mais on ne l’a plus fait depuis, parce que les projections ont révélé qu’au fil des révisions, elle ferait augmenter le nombre de sièges plus qu’on ne le souhaitait.

2.1.5  La Loi constitutionnelle de 1985 (représentation électorale)

La formule qui sert actuellement au calcul de la répartition des sièges à la Chambre des communes est énoncée dans la Loi constitutionnelle de 1985 (représentation électorale), également appelée Loi de 1985 sur la représentation électorale. Le nombre de sièges attribué à chaque province est maintenant calculé de la façon suivante :

  • La Loi de 1985 sur la représentation électorale dispose que 282 députés siégeront à la Chambre : elle attribue un siège chacun aux Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et au Nunavut16. Les 279 sièges qui restent servent de base au calcul du quotient électoral.
  • On obtient le quotient électoral en divisant la population totale des dix provinces par 279.
  • On calcule le nombre de sièges attribués à chaque province en divisant la population de chacune par le quotient électoral et en arrondissant tout reste de 0,50 ou plus à la hausse jusqu’au nombre entier suivant.

La Loi de 1985 sur la représentation électorale comporte aussi une garantie supplémentaire pour empêcher les provinces de perdre des sièges au terme d’une révision; elle assortit en effet la « clause sénatoriale » d’une « clause d’antériorité ». Selon cette disposition, une province ne peut avoir moins de sièges à la Chambre des communes qu’elle n’en avait en 1976, soit au cours de la 33e législature17. Après le recensement décennal de 2001, le nombre de députés à la Chambre a été porté à 308.

3 Description et analyse

L’article premier dispose que le titre abrégé du projet de loi C-12 est « Loi sur la représentation démocratique ».

L’article 2 du projet de loi remplace le paragraphe 51(1) de la Loi constitutionnelle de 1867. Il énonce trois règles pour le calcul servant à réviser l’attribution aux provinces des sièges à la Chambre des communes :

  1. Il est attribué à chaque province un nombre de députés à la Chambre des communes égal au quotient de la division du chiffre de sa population par le « diviseur électoral » (voir ci-dessous). Les décimales produites par le calcul sont arrondies à l’unité supérieure.
  2. Si le nombre de sièges établi pour une province par l’application de la règle 1 ou de l’article 51(A) de la Loi constitutionnelle de 1867, aussi appelée « clause sénatoriale », est plus faible que le nombre de sièges qu’avait cette province à la date d’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1985 sur la représentation électorale, le nombre de députés nécessaire est ajouté pour compenser la perte subie au terme de la révision de la représentation.
  3. a) Le « diviseur électoral » pour la première révision de la représentation à la Chambre des communes qui a lieu après l’entrée en vigueur du projet de loi est de 108 000.
    b) On établira le « diviseur électoral » pour les révisions effectuées à l’issue de tout recensement décennal subséquent en multipliant la population totale des provinces selon ce recensement par le diviseur électoral utilisé auparavant (dans le cas de la deuxième révision suivant l’entrée en vigueur de la loi, ce nombre sera de 108 000), puis en divisant le produit de ce calcul par la population totale des provinces selon le recensement précédent et en arrondissant la décimale à l’unité supérieure.

L’article 3 du projet de loi est une disposition interprétative selon laquelle toute mention de la Loi constitutionnelle de 1867 et de la Loi constitutionnelle de 1982 vise notamment le projet de loi.

4 Commentaire

Le projet de loi C-12 a pour objet, comme le précise son préambule, de rendre le système électoral canadien plus conforme à son principe de base initial, la représentation selon la population. Par rapport à la formule actuellement utilisée, la révision selon la formule prescrite dans le projet de loi se rapprocherait davantage du principe de la représentation selon la population. Si l’on applique cette dernière formule en se basant sur les plus récentes évaluations de la population canadienne, les provinces dont la population augmente le plus rapidement, soit l’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Ontario, devraient, après la révision de 2011, recevoir une part des sièges qui correspond davantage, voire presque exactement dans certains cas, à leur part de la population totale des provinces18.

Comme dans le cas des versions antérieures de ce projet de loi, les effets qu’aurait la formule proposée sur l’attribution des sièges à la Chambre des communes suscitent des réserves, voire de l’opposition, chez certains. Des députés du Bloc Québécois, ainsi que le professeur Donald Savoie de l’Université de Moncton, entres autres, se sont prononcés contre la présence moins importante du Québec et des provinces de l’Atlantique qui résulterait de l’application de la formule énoncée dans le projet de loi19. Le Québec et les provinces de l’Atlantique, de même que le Manitoba et la Saskatchewan, conserveraient le même nombre de sièges qu’à l’heure actuelle, mais ces provinces verraient leur poids proportionnel diminuer sous le nouveau régime de révision. En effet, selon certaines évaluations, la part des sièges à la Chambre des communes qui reviendrait au Québec serait légèrement inférieure à son pourcentage de la population totale du pays20.

Il est intéressant de noter que le projet de loi prévoit l’utilisation d’un diviseur électoral variable pour la révision du nombre de sièges à la Chambre des communes. Puisqu’on peut s’attendre à une croissance de la population totale de toutes les provinces d’un recensement décennal à l’autre, la formule prévue par le projet de loi pour déterminer le diviseur électoral ajuste automatiquement celui-ci vers le haut dans le cas d’une augmentation de la population totale (et vers le bas dans le cas d’une baisse de la population totale). Cet ajustement, qui tient compte des fluctuations de la po­pulation permet de maintenir un ratio maximal de citoyens par circonscription qui change peu d’une révision à l’autre.


Notes

*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]

  1. Élections Canada, La représentation à la Chambre des communes du Canada, mars 2002, p. 3. [ Retour au texte ]
  2. Gouvernement du Canada, Le gouvernement du Canada rétablit la représentation équitable à la Chambre des communes, communiqué, 1er avril 2010. [ Retour au texte ]
  3. Loi constitutionnelle de 1867, par. 51(1) :
    À l’entrée en vigueur du présent paragraphe et, par la suite, à l’issue de chaque recensement décennal, il est procédé à la révision du nombre des députés et de la représentation des provinces à la Chambre des communes selon les pouvoirs conférés et les modalités de temps ou autres fixées en tant que de besoin par le Parlement du Canada, compte tenu des règles suivantes.
    Voir aussi la rubrique intitulée « La formule à la Confédération », dans la partie « Contexte » du présent résumé législatif. [ Retour au texte ]
  4. Russell Alan Williams, « Canada’s System of Representation in Crisis: The ‘279 Formula’ and Federal Electoral Redistributions », The American Review of Canadian Studies, printemps 2005, p. 103. [ Retour au texte ]
  5. Ibid., p. 99 et 100. [ Retour au texte ]
  6. Élections Canada (2002), p. 6. [ Retour au texte ]
  7. Ibid. [ Retour au texte ]
  8. Williams (2005), p. 104. [ Retour au texte ]
  9. Élections Canada (2002), p. 6. [ Retour au texte ]
  10. Audrey O’Brien et Marc Bosc, La procédure et les usages de la Chambre des communes, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 167. [ Retour au texte ]
  11. Ibid. [ Retour au texte ]
  12. Voir la Loi constitutionnelle de 1946, L.R.C. 1985, annexe II, no 30. Pour plus de précisions, voir Norman Ward, The Canadian House of Commons: Representation, Toronto, University of Toronto Press, 1950, p. 54 et 55. [ Retour au texte ]
  13. Ibid., p. 144 et 145. [ Retour au texte ]
  14. Voir Débats, 2 décembre 1974, p. 1846. Pour plus de précisions, voir Norman Ward, Dawson’s The Government of Canada, 6e éd., Toronto, University of Toronto Press, 1987, p. 91. [ Retour au texte ]
  15. Élections Canada (2002), p. 8. Voir aussi Débats, 2 décembre 1974, p. 1845 à 1847, où Mitchell Sharp, Président du Conseil privé, décrit la formule de l’amalgame. [ Retour au texte ]
  16. Comme le prévoit la Loi constitutionnelle de 1999 (Nunavut). [ Retour au texte ]
  17. Élections Canada (2002), p. 9. Les provinces ont le même nombre de sièges qu’en 1976, à l’exception de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de l’Ontario, qui ont acquis des sièges depuis 1976. Par conséquent, seules ces trois provinces peuvent perdre des sièges en raison d’une baisse de leur population. [ Retour au texte ]
  18. Bea Vongdouangchanh, « House seats bill could affect 19 Tory, 10 Grit ridings, and one NDP riding, », The Hill Times, 12 avril 2010, p. 5. [ Retour au texte ]
  19. Ibid., p. 4. [ Retour au texte ]
  20. L. Ian Macdonald, « Larger Commons would cut Bloc’s influence », Times Colonist [Victoria], 8 avril 2010, p. A10. [ Retour au texte ]

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