Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (troubles mentaux) (titre abrégé : « Loi sur la réforme de la non-responsabilité criminelle »), avait été déposé pendant la première session de la 41e législature avec le numéro C-54. Le 28 mai 2013, après avoir franchi l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, le projet de loi C-54 a été renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, qui en a fait l’étude article par article. Le 12 juin 2013, le Comité a convenu d’en faire rapport avec amendements. Le rapport a été présenté à la Chambre des communes le lendemain1. Le 18 juin 2013, après avoir franchi l’étape de la troisième lecture, le projet de loi a été renvoyé au Sénat pour la première lecture. Il est mort au Feuilleton à la prorogation du Parlement, le 13 septembre 2013.
Conformément à l’ordre adopté par la Chambre des communes le 21 octobre 2013 pour permettre au gouvernement de rétablir les projets de loi à l’étape où ils étaient rendus à la fin de la dernière session, le projet de loi C-14 a été présenté et lu pour la première fois au Sénat le 26 novembre 2013.
Le projet de loi modifie le cadre législatif applicable aux troubles mentaux dans le Code criminel (le Code)2 (partie XX.1) et dans la Loi sur la défense nationale3. Selon son sommaire, il a pour objectif :
Il faut souligner que le projet de loi C-14 vise uniquement des dispositions relatives aux accusés déclarés non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux et n’aborde pas les dispositions qui régissent l’aptitude d’une personne à subir son procès.
Le projet de loi C-14 comprend essentiellement les dispositions de l’ancien projet de loi C-54, y compris les amendements apportés par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne en 2013.
La partie XX.1 du Code établit le cadre législatif qui gouverne le traitement des accusés déclarés inaptes à subir leur procès ou non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux. Il s’agit d’un régime exhaustif et indépendant codifié en 1992 par suite de l’adoption du projet de loi C-304.
Ce cadre législatif témoigne de l’intention du Parlement de privilégier un traitement individuel et thérapeutique des délinquants atteints de troubles mentaux5. Dans cet esprit, un verdict de non-responsabilité criminelle n’entraîne pas d’acquittement ou de déclaration de culpabilité. Selon ce qu’a soutenu la Cour suprême du Canada dans l’affaire Winko c. Colombie-Britannique (Forensic Psychiatric Institute) :
En ajoutant une option qui permet l’évaluation et le traitement du contrevenant atteint de troubles mentaux et en rompant avec la traditionnelle dichotomie du droit criminel opposant culpabilité et innocence, le législateur a voulu que l’accusé non responsable criminellement soit traité avec la plus grande dignité et jouisse de la plus grande liberté possible, compte tenu de son état6.
Les dossiers considérés par les tribunaux dans le contexte de la partie XX.1 du Code peuvent s’étoffer de questions constitutionnelles, à savoir les principes d’égalité, de justice et d’équité. Les enjeux deviennent souvent plus complexes en raison de la présence de dimensions médicales et sociales en plus de celle du droit, y compris la nécessité de concilier les objectifs de la sécurité publique avec le traitement équitable des accusés aux prises avec des troubles mentaux7.
Il existe dans le système judiciaire canadien un principe fondamental selon lequel un individu ne peut être déclaré coupable d’une infraction s’il ne possède pas la capacité de « juger de la nature et de la qualité de l’acte ou l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais9 ».
L’article 16 du Code énonce la présomption selon laquelle toute personne est présumée saine d’esprit. Il incombe donc à la partie à une instance qui prétend le contraire de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’au moment de l’infraction l’accusé était atteint de troubles mentaux de telle sorte que sa responsabilité criminelle n’était pas engagée.
Un tribunal peut ordonner que l’état mental de l’accusé soit évalué afin de « déter-miner si l’accusé était atteint de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle en application du paragraphe 16(1) au moment de la perpétration de l’infraction10 ».
Le tribunal peut rendre ce type d’ordonnance à toute étape des procédures intentées contre l’accusé11. Il peut le faire d’office, à la demande de l’accusé ou à la demande du poursuivant12.
Lorsque le jury ou le juge détermine, après la présentation de la preuve, que l’accusé a bel et bien commis l’acte ou l’omission en question, mais qu’il souffrait à cet instant de troubles mentaux le dégageant de sa responsabilité criminelle (aux termes de l’art. 16 du Code), il est tenu de rendre un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux13.
Au moment où un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux est rendu à l’égard d’un accusé, le tribunal peut, d’office, et doit, à la demande de l’accusé ou du poursuivant, tenir une audience afin de déterminer la décision qu’il devra prendre à l’égard de l’accusé. Le tribunal ne rend une décision que s’il est convaincu qu’il est en mesure de le faire sans difficulté et qu’une telle décision devrait être rendue sans délai14.
Autrement il est tenu de faire parvenir à la commission d’examen (dont il est question à la section 1.1.2 du présent résumé législatif) les documents en sa possession tels que le procès-verbal de l’instance en question ainsi que tout autre renseignement se rapportant à celle-ci15.
Le régime prévoit que l’audience tenue par le tribunal ou la commission d’examen peut être aussi informelle que possible, selon les circonstances. L’accusé a le droit d’être présent à l’audience à moins que les circonstances exigent qu’il soit exclu. Il a également le droit d’être représenté par un avocat16.
Si le tribunal ne rend pas de décision et renvoie le dossier à la commission d’exa-men, celle-ci doit rendre une décision à l’égard de l’accusé dans les meilleurs délais suivant le verdict, mais au plus tard 45 jours après le prononcé de celui-ci. Sous réserve de circonstances exceptionnelles, le délai peut être prolongé jusqu’à un maximum de 90 jours après le verdict.
Si le tribunal choisit de rendre une décision à l’égard de l’accusé, la commission d’examen doit tenir l’audience et rendre sa décision au plus tard à la fin de la période de 90 jours qui suit la décision rendue par le tribunal, sauf dans le cas où le tribunal a ordonné la libération inconditionnelle de l’accusé17.
Le tribunal ou la commission doit inscrire ses motifs au procès-verbal et faire parvenir une copie de sa décision et ses motifs à toutes les parties concernées18.
Selon le libellé actuel de l’article 672.54, le tribunal ou la commission d’examen qui rend une décision doit tenir compte « de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l’état mental de l’accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale » et rend la décision « la moins sévère et la moins privative de liberté parmi celles qui suivent » :
Actuellement, toute décision rendue par la commission d’examen doit être révisée annuellement par celle-ci, et ce, jusqu’à ce que l’accusé bénéficie d’une libération inconditionnelle. Ce délai peut toutefois être prorogé jusqu’à un maximum de 24 mois si l’accusé est représenté par un avocat et que l’accusé et le procureur général y consentent.
Dans des circonstances où l’accusé a été déclaré non responsable criminellement pour cause de troubles mentaux à l’égard d’une infraction grave contre la personne20, où il est détenu dans un hôpital et où la commission d’examen est convaincue que son état ne s’améliorera probablement pas et que sa détention dans un hôpital demeure nécessaire pendant la période prorogée, la commission peut proroger le délai d’une audience de révision subséquente jusqu’à un maximum de 24 mois21.
La commission d’examen est un tribunal administratif spécialisé et indépendant. Elle est appelée à jouer un rôle inquisitoire dans l’exécution de son mandat22 et la jurisprudence a mis en lumière l’importance de son rôle en soulignant l’expertise possédée par ses membres ainsi que de ses vastes pouvoirs d’enquêtes23.
La commission d’examen doit rendre ou réviser les décisions à l’égard des accusés qui ont été déclarés inaptes à subir leur procès ou non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux. Les articles 672.38 à 672.45 du Code régissent la constitution et la composition des commissions d’examen. En vertu de l’article 672.38 du Code, une commission d’examen est constituée ou désignée pour chaque province et elle est réputée avoir été constituée en vertu du droit provincial.
Elle est composée d’un minimum de cinq membres nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province. Le président de la commission d’examen doit généralement être un juge ou un juge à la retraite24. Au moins un membre :
doit être autorisé par la province à exercer la psychiatrie et, s’il n’y a qu’un seul psychiatre, au moins une personne dont la formation et l’expérience relèvent de la santé mentale et qui est autorisée par le droit d’une province à exercer la médecine ou la profession de psychologue25.
Très peu d’individus sont jugés non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux. La majorité des cas ont été relevés dans les plus grandes provinces, soit la Colombie Britannique, l’Ontario et le Québec26.
[O]n en dénombre 607 sur une période d’un an (mai 2004 à avril 2005). À titre comparatif, 260 649 adultes ont été jugés coupables d’infraction criminelle au Canada sur une période d’un an (2008 à 2009)27.
Basée sur des données colligées à la demande de la Division de la recherche et de la statistique du ministère de la Justice, une étude publiée en mars 2013 présente des conclusions quant au nombre de cas et au taux de récidive chez les personnes déclarées non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux (NRCTM) par suite d’une accusation d’infraction grave avec violence. Selon les principales conclusions :
L’article 7 du projet de loi C-14 modifie l’article 672.5 du Code (les règles applicables à l’audience que tient un tribunal ou une commission d’examen en vue de déterminer la décision qui devrait être prise à l’égard d’un accusé) afin de préciser que ces règles s’appliquent également aux audiences concernant l’accusé à haut risque.
Le paragraphe 7(2) du projet de loi modifie l’article 672.5 du Code pour qu’une victime qui en fait la demande soit avisée de la mise en liberté inconditionnelle de l’accusé ou, le cas échéant, de sa mise en liberté sous réserve de certaines conditions, ainsi que de son lieu de résidence projeté. L’inclusion du lieu de résidence est le résultat d’un amendement apporté par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Le paragraphe 7(3) modifie l’article 672.5 du Code pour prévoir que lorsque la commission d’examen renvoie une affaire à la cour pour révision d’une déclaration portant que l’accusé est un « accusé à haut risque », la commission d’examen doit aviser chacune des victimes de son droit de déposer à la cour une déclaration.
Le paragraphe 7(5) ajoute l’obligation pour le tribunal ou la commission de s’enquérir auprès du poursuivant ou de la victime – ou de toute personne la représentant – si la victime a été informée de la possibilité de rédiger une déclaration.
Les audiences peuvent être ajournées afin de permettre à la victime de rédiger sa déclaration si le tribunal ou la commission d’examen est convaincu qu’un ajourne-ment ne nuira pas à la bonne administration de la justice.
L’article 672.541 du Code prévoit actuellement que la commission ou le tribunal doit considérer toute déclaration de la victime en vue de rendre une décision dans le contexte de la partie XX.1 du Code ou de fixer les modalités pour l’application de l’article 672.54. L’article 10 du projet de loi ajoute à l’article 672.541 l’obligation pour le tribunal ou la commission de considérer aussi la déclaration de la victime en vue de décider si l’accusé doit être déclaré un accusé à haut risque ou, le cas échéant, si cette déclaration doit être révoquée.
L’article 9 du projet de loi reformule les critères que le tribunal ou la commission d’examen doit considérer lorsqu’elle rend une des trois décisions prévues à l’article 672.54 du Code. Dorénavant, le tribunal ou la commission d’examen devra considérer la sécurité du public comme facteur prépondérant dans son processus décisionnel. La notion selon laquelle le tribunal ou la commission d’examen devait rendre la décision la moins sévère et la moins privative de liberté a été retirée du libellé. Dorénavant, en rendant sa décision le tribunal ou la commission doit prendre en considération :
d’une part, la sécurité du public qui est le facteur prépondérant et, d’autre part, l’état mental de l’accusé, sa réinsertion sociale et ses autres besoins, celle des décisions ci-après qui est nécessaire et indiquée dans les circonstances [ITALIQUE AJOUTÉ PAR L’AUTEURE].
Le projet de loi crée le nouvel article 672.5401 qui, pour l’application de l’article 672.54, définit ce qu’est « un risque important pour la sécurité du public », soit :
[le] risque que courent les membres du public, notamment les victimes et les témoins de l’infraction et les personnes âgées de moins de dix-huit ans, de subir un préjudice sérieux – physique ou psychologique – par suite d’un comportement de nature criminelle, mais non nécessairement violent.
L’article 10 du projet de loi ajoute également au Code le nouvel article 672.542, qui oblige le tribunal ou la commission, dans le cadre des audiences tenues en vertu de l’article 672.5, à examiner :
s’il est souhaitable pour la sécurité de toute personne, en particulier celle des victimes, des témoins et des personnes associées au système judiciaire, d’imposer à l’accusé, à titre de modalité de la décision, tout ou partie des obligations suivantes :
a) s’abstenir de communiquer, directement ou indirectement, avec toute personne – victime, témoin ou autre – qui est identifiée dans la décision ou d’aller dans un lieu qui y est mentionné;
b) observer telles autres modalités que le tribunal ou la commission d’examen estime nécessaires pour assurer la sécurité de ces personnes.
L’article 12 du projet de loi permet au tribunal de désigner un accusé âgé de 18 ans ou plus au moment de la perpétration de l’infraction comme un « accusé à haut risque » (nouvel art. 672.64 du Code). L’accusé doit pour cela avoir fait l’objet d’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux en raison d’une infraction grave perpétrée contre une personne.
L’infraction grave contre la personne est définie au paragraphe 672.81(1.3) du régime actuel et comprend notamment les crimes violents, les comportements qui mettent ou risque de mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne, les comportements qui infligent ou risquent d’infliger des dommages psychologiques graves à une autre personne, les infractions d’ordre sexuel et les agressions sexuelles.
Il faut noter ici que c’est le poursuivant qui doit faire la demande, et ce, avant que l’accusé fasse l’objet d’une libération inconditionnelle. À cette fin, le tribunal doit être convaincu de l’une ou l’autre de deux choses, selon le cas :
Le nouveau paragraphe 672.64(2) du Code dispose que le tribunal doit prendre en compte tout élément de preuve pertinent afin de déterminer que l’individu est un « accusé à haut risque », notamment :
Il est possible d’interjeter appel d’une décision de déclarer ou ne pas déclarer une personne « accusé à haut risque » (nouveaux par. 672.64(4) et (5) du Code).
L’article 672.56 du Code prévoit actuellement que la commission d’examen qui a rendu une décision selon laquelle l’accusé doit être libéré sous réserve de certaines conditions (al. 672.54b)) ou détenu dans un hôpital sous réserve de certaines conditions (al. 672.54c)) peut déléguer au responsable de l’hôpital le pouvoir d’assouplir ou de resserrer les privations de liberté de l’accusé. En vertu de cette disposition, si une décision de resserrer les privations de liberté de l’accusé est prise, l’accusé doit en être avisé et, si cette décision demeure en vigueur pendant plus de sept jours, la commission doit également en être avisée.
Le paragraphe 11(2) du projet de loi modifie l’article 672.56 afin d’y ajouter le principe selon lequel le pouvoir d’assouplir les privations de liberté d’un accusé à haut risque est assujetti aux restrictions prévues au nouveau paragraphe 672.64(3). Ce paragraphe dispose que la détention de l’accusé à haut risque en milieu hospita-lier ne peut pas prévoir de séjours à l’extérieur de l’hôpital sauf si le responsable estime que les conditions suivantes sont réunies :
Le cadre législatif actuel prévoit que la commission d’examen est tenue de réviser annuellement une décision prise à l’égard d’un accusé et que le délai préalable de cette révision peut être prorogé jusqu’à un maximum de 24 mois selon les modalités prévues à l’article 672.81.
L’article 15 du projet de loi prévoit que dans le cas d’un accusé à haut risque, la commission d’examen peut proroger le délai préalable d’une audience de révision jusqu’à un maximum de 36 mois si l’accusé est représenté par un avocat et que le procureur général et l’accusé y consentent. La commission peut également proroger le délai d’une audience de révision subséquente jusqu’à un maximum de 36 mois si elle est convaincue que l’état de l’accusé ne s’améliorera probablement pas et que sa détention demeure nécessaire pendant la période de prorogation.
L’accusé peut porter en appel la décision de proroger le délai d’une audience de révision subséquente.
L’article 16 du projet de loi ajoute au Code le nouvel article 672.84, lequel prévoit la révocation d’une déclaration d’accusé à haut risque. Dans les cas où la commission d’examen tient une audience en vertu des articles 672.81 (révision annuelle) ou 672.82 (révision facultative) à l’égard d’un accusé à haut risque et qu’à la lumière de tout renseignement utile, la commission est convaincue qu’il n’y a pas de probabilité marquée que l’accusé usera de violence de manière à mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne, elle est tenue de renvoyer le dossier de l’accusé devant la cour supérieure, qui pourra révoquer la déclaration.
Parmi les amendements apportés par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne au texte initial (ancien projet de loi C-54), un nouvel article a été inséré de manière à prévoir un examen approfondi de l’application des articles 672.1 à 672.89 du Code dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur des articles 2 à 20 du projet de loi. Le comité du Sénat, de la Chambre des communes ou mixte qui en fera l’examen devra remettre son rapport ainsi que ses recommandations à la Chambre en question ou au Parlement.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
La chronologie qui suit résume l’évolution du droit de 1843 à 2005 en ce qui concerne les accusés qui souffrent de troubles mentaux1.
1843 – Les moyens de défense fondés sur l’aliénation mentale prévus par la common law sont formulés par la Chambre des lords britannique dans l’arrêt M’Naghten2. La défense repose sur le principe voulant que, pour ordonner une condamnation, l’État prouve non seulement qu’un acte fautif a été commis, mais aussi qu’il a été commis avec une intention criminelle.
1892 – Le premier Code criminel du Canada3 accorde la défense fondée sur l’aliénation mentale à toute personne atteinte « d’imbécillité naturelle » ou de « maladie mentale », qui était de ce fait incapable de juger de la nature et de la qualité de son acte ou de son omission, et de savoir que cet acte ou cette omission était mauvais.
1991 – Dans l’arrêt R. c. Swain4, la Cour suprême du Canada juge que le fait d’ordonner automatiquement la mise en détention pour une durée indéterminée d’une personne jugée non coupable pour cause d’aliénation mentale, aux termes des dispositions du Code criminel5, enfreint le droit à la liberté de cette personne en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés6.
1992 – Une nouvelle partie XX.1 du Code criminel entre en vigueur afin de régir le cas des accusés atteints de troubles mentaux, à la suite de l’adoption du projet de loi C-30 par le Parlement7. Elle prévoit, entre autres, la possibilité d’une libération inconditionnelle immédiate et exige, dans tous les autres cas, la tenue d’audiences annuelles par la commission d’examen de façon que la décision la moins privative de liberté soit toujours prise à l’égard d’un accusé souffrant de troubles mentaux. Le projet de loi C-30 remplace également les mentions d’« aliénation mentale » par l’expression « troubles mentaux » et élargit la défense aux cas où la culpabilité est déclarée par procédure sommaire, en plus des cas où elle l’est par mise en accusation.
1999 – La Cour suprême du Canada rend sa décision dans l’affaire Winko c. La Colombie Britannique (Forensic Psychiatric Institute)8; elle confirme la constitutionnalité du régime prévu dans la partie XX.1 du Code criminel et conclut que ce régime établit un équilibre approprié entre la sécurité publique et les droits d’un accusé souffrant de troubles mentaux.
2002 – À la suite d’un examen parlementaire requis par le projet de loi C-30, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes présente 19 recommandations destinées à améliorer la partie XX.1 du Code criminel9. Dans sa réponse, le gouvernement du Canada indique qu’il adoptera des mesures législatives pour assurer l’application de la plus grande partie des recommandations et apporter d’autres améliorations10.
2004 – Dans l’arrêt R. c. Demers11, la Cour suprême du Canada conclut que l’assujettissement permanent à la partie XX.1 du Code criminel d’un accusé jugé inapte enfreint la liberté de l’accusé en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés lorsque l’accusé ne pose pas un risque important pour la sécurité publique.
2005 – Le Parlement adopte le projet de loi C-1012, qui modifie la partie XX.1 du Code criminel. Entre autres choses, il élargit les pouvoirs des commissions d’examen en leur permettant d’ordonner des évaluations psychologiques, de rendre des ordonnances de non-publication et de proroger le délai pour l’audience suivante; il autorise également les évaluations psychologiques par des personnes autres que des médecins; il permet la présentation des déclarations de la victime aux audiences; il permet la suspension de l’instance dans le cas d’un accusé déclaré inapte à subir son procès; il abroge les dispositions non promulguées qui auraient limité la durée de la détention d’un accusé souffrant de troubles mentaux, ou permis la prolongation de cette détention pour les personnes particulièrement dangereuses13.
Notes: * Même si la Cour et la commission d’examen sont toutes deux autorisées à détenir dans un hôpital une personne jugée NCR (non criminellement responsable en raison d’un trouble mental), l’accusé peut refuser un traitement pendant sa détention.
** Conformément à la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Swain en 1991, la Couronne ne peut soulever la question de l’état mental de l’accusé avant que la perpétration du crime ait été prouvée par la Couronne ou là où l’accusé a mis en cause son aptitude mentale.
Source: Statistique Canada, Étude spéciale sur les accusés atteints de troubles mentaux dans le système de justice pénale (144 ko, 37 pages), 2003.
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