Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C‑3, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois 1, a été présenté à la Chambre des communes le 27 janvier 2020 par l’honorable Bill Blair, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre).
Le projet de loi C‑3 modifie la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada 2 (Loi sur la GRC) pour modifier le nom de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes (CCETP) relatives à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui sera dorénavant connue sous le nom de Commission d’examen et de traitement des plaintes du public (CETPP). Il modifie également la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada 3 (Loi sur l’ASFC) pour conférer à la CETPP le pouvoir d’examiner les activités de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), en plus de celles de la GRC. Un grand nombre des modifications apportées à la Loi sur l’ASFC sont le reflet de dispositions existantes de la Loi sur la GRC.
Le projet de loi C‑3 est presque identique au projet de loi C‑98, qui a été présenté lors de la 1re session de la 42e législature en mai 2019 par l’honorable Ralph Goodale 4, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de l’époque. Le projet de loi C‑98 a été adopté par la Chambre des communes et a fait l’objet d’une première lecture au Sénat en juin 2019. Il est mort au feuilleton lors de la dissolution du Parlement en septembre 2019.
À la suite des attentats du 11 septembre 2001, le Canada et d’autres pays occidentaux ont mis en place des politiques antiterroristes ou ont durci celles déjà en place, ce qui, selon le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, a « souvent eu pour conséquence néfaste le profilage racial des membres des communautés arabes et musulmanes et des atteintes aux libertés civiles 5 ».
L’un des cas les plus médiatisés est celui de Maher Arar. À la fois citoyen canadien et syrien, Maher Arar a été arrêté par les autorités des États‑Unis pendant une escale à l’aéroport John F. Kennedy de New York, alors qu’il rentrait au Canada après des vacances en famille à Tunis. Les autorités américaines l’ont détenu, interrogé et gardé en isolement pendant près de deux semaines avant de l’expulser vers la Syrie, où il a été emprisonné et torturé pendant près d’un an avant d’être libéré et renvoyé au Canada. Au pays, les médias et le public ont prêté beaucoup d’attention à cette affaire, surtout au rôle qu’auraient joué les responsables canadiens, notamment les membres de la GRC.
Chargé, en 2004, de présider la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, le juge Dennis O’Connor a produit un rapport d’enquête recommandant, entre autres, la création d’un nouvel organisme civil chargé d’examiner les activités de la GRC et de l’ASFC 6.
Ainsi, en 2013, la CCETP relatives à la GRC 7 a été établie par le Parlement par suite de l’entrée en vigueur de la Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada 8. Cet organisme indépendant a été créé afin d’examiner et de régler les plaintes du public contre la GRC. La CCETP a pour mandat de procéder à des examens lorsqu’une personne n’est pas satisfaite du règlement de sa plainte par la GRC. Elle dépose également des plaintes et mène des enquêtes sur des plaintes concernant la conduite de membres de la GRC lorsqu’il est dans l’intérêt public de le faire. Elle soumet ses conclusions et ses recommandations au commissaire de la GRC et au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Dans son rapport, le juge O’Connor recommandait que les activités de l’ASFC puissent être examinées par l’organisme déjà chargé de passer en revue celles de la GRC. Cette recommandation n’a toutefois pas été prise en compte. À l’heure actuelle, les activités de l’ASFC ne sont soumises à aucun mécanisme d’examen indépendant. Les plaintes concernant la conduite d’agents de l’ASFC sont traitées à l’interne, et il n’est pas possible d’exiger un examen indépendant des enquêtes réalisées par l’ASFC.
Le projet de loi C‑3 donne suite à la recommandation du juge O’Connor relativement à la mise en place d’un organisme chargé de mener des enquêtes et d’examiner à la fois les activités de la GRC et celles de l’ASFC. Le mandat de la nouvelle CETPP se limite à l’examen des activités de la GRC et de l’ASFC qui n’ont pas trait à la sécurité nationale. Un organisme indépendant distinct est chargé d’examiner les activités relevant de la sécurité nationale. Entrée en vigueur le 12 juillet 2019, la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement 9 (Loi sur l’OSASNR) porte création de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement 10 (l’OSASNR), un organisme d’examen indépendant ayant pour mandat d’examiner les activités en matière de sécurité nationale de tous les organismes et ministères du gouvernement dotés d’une fonction de sécurité nationale, y compris la GRC et l’ASFC. La Loi sur l’OSASNR faisait partie du projet de loi C‑59, Loi concernant des questions de sécurité nationale (titre abrégé : « Loi de 2017 sur la sécurité nationale »), qui a été adopté au cours de la 1re session de la 42e législature 11.
Comme on l’a déjà précisé, le projet de loi C‑3 porte création d’une nouvelle Commission d’examen et de traitement des plaintes du public dont le mandat s’étend aux activités des officiers et des employés de la GRC et de l’ASFC. Les prochaines sections du présent résumé législatif décrivent les dispositions nouvelles et modifiées de la Loi sur la GRC et de la Loi sur l’ASFC ayant trait aux attributions de la nouvelle CETPP, puis présentent les modifications corrélatives du projet de loi ainsi que les dispositions concernant son entrée en vigueur.
L’article 1 du projet de loi C‑3 change le nom de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes, qui devient la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public. L’article 3 du projet de loi modifie le paragraphe 45.29(1) de la Loi sur la GRC pour constituer la nouvelle CETPP, qui est composée d’un président, d’un vice‑président et d’au plus trois autres membres. D’autres dispositions modifiant la Loi sur l’ASFC traitent des fonctions et des pouvoirs des membres de la CETPP. La CETPP comptera deux unités distinctes qui examineront les activités respectives des deux organismes; ainsi, les plaintes concernant la GRC seront traitées séparément de celles touchant l’ASFC. L’article 4 du projet de loi modifie l’article 45.33 de la Loi sur la GRC afin de désigner l’« Unité de la Gendarmerie royale du Canada » responsable de l’examen des activités de la GRC (nouveau par. 45.33(2) de la Loi sur la GRC).
L’article 5 du projet de loi ajoute à l’article 45.34 de la Loi sur la GRC de nouvelles exigences en ce qui concerne les rapports que doit produire la CETPP. La Loi sur la GRC existante prévoit que la CCETP peut effectuer l’examen d’activités précises de la GRC et présenter un rapport comportant ses conclusions et recommandations au commissaire de la GRC. L’article 5 exige en plus que la CETPP rende public un résumé de ce rapport. Le cas échéant, les observations du commissaire au sujet des conclusions et des recommandations contenues dans le rapport doivent être rendues publiques en même temps que le résumé. De façon similaire, l’article 9 du projet de loi modifie le paragraphe 45.51(1) de la Loi sur la GRC pour exiger la présentation du résumé des rapports spéciaux. Tout comme la CCETP l’ayant précédée, la CETPP peut, de sa propre initiative ou à la demande du ministre, présenter à celui‑ci et au commissaire de la GRC un rapport spécial sur toute question relevant de ses pouvoirs et fonctions. Le résumé du rapport spécial est rendu public 15 jours après sa présentation au commissaire et au ministre (nouveau par. 45.51(1.1) de la Loi sur la GRC).
Conformément à l’article 45.52 de la Loi sur la GRC existante, la CCETP doit produire un rapport annuel sur ses activités, qui doit contenir les renseignements suivants : le nombre et la nature des plaintes relatives à la conduite de membres de la GRC dans chaque province où la GRC assure des services de police; la manière dont les plaintes ont été réglées; le rendement de la CCETP relativement aux normes de service établies; les tendances observées et les recommandations. L’article 10 du projet de loi C‑3 modifie le paragraphe 45.52(1) de la Loi sur la GRC afin d’exiger que le rapport annuel de la CETPP inclue de l’information sur les activités exercées par la CETPP au titre de la Loi sur la GRC et de la Loi sur l’ASFC. L’article 10 ajoute aussi à la Loi sur la GRC le nouveau paragraphe 45.52(1.1), qui précise que le rapport annuel de la CETPP doit contenir les renseignements suivants :
L’article 15 du projet de loi C‑3 édicte la nouvelle partie 2 de la Loi sur l’ASFC, qui assujettit l’ASFC à la CETPP et établit les attributions de la CETPP à l’égard de l’ASFC. L’article 14 modifie la Loi sur l’ASFC en établissant des dispositions qui portent sur les accords et les ententes avec les provinces en matière de détention.
Comme on l’a déjà précisé, la CETPP aura deux unités distinctes chargées d’examiner les activités respectives de la GRC et de l’ASFC. Le nouveau paragraphe 17(2) de la Loi sur l’ASFC prévoit la création de l’« Unité de l’Agence des services frontaliers du Canada » à même la CETPP. Cette unité aura le pouvoir d’enquêter sur toute plainte concernant la conduite d’un employé ou d’un ancien employé de l’ASFC et d’examiner les activités de l’ASFC (voir la section 2.2.1.3 du présent résumé législatif). Le terme « employé » est défini au sens large, de manière à inclure non seulement les dirigeants et les employés de l’ASFC, mais aussi toute personne qui assiste l’ASFC dans l’exercice des attributions qui lui sont conférées, à l’exclusion des employés des gouvernements provinciaux visés par les accords ou ententes conclus avec l’ASFC concernant la détention de personnes, comme expliqué plus haut (nouvel art. 16 de la Loi sur l’ASFC).
Le nouvel article 18 de la Loi sur l’ASFC porte sur les pouvoirs d’examen de la CETPP, laquelle peut notamment examiner la mesure dans laquelle l’ASFC respecte les dispositions de la Loi sur l’ASFC, les instructions du ministre, les politiques, les procédures et les lignes directrices. La CETPP peut procéder à ce type d’examen à la demande du ministre ou de sa propre initiative, mais dans ce dernier cas, uniquement si elle dispose des ressources nécessaires pour effectuer l’examen sans compromettre le traitement des plaintes et si aucune autre enquête similaire n’a été entreprise par une autre entité fédérale ou provinciale.
La CETPP n’a pas compétence pour effectuer un examen ou une enquête en lien avec la sécurité nationale (nouvel art. 19 de la Loi sur l’ASFC). Si la CETPP reçoit une plainte concernant la sécurité nationale, elle doit la renvoyer à l’OSASNR.
Le nouvel article 20 de la Loi sur l’ASFC précise que la CETPP détient, pour ces activités d’examen, les mêmes pouvoirs que ceux qu’elle exerce dans le cadre de ses activités d’enquête sur les plaintes, qui sont définis au nouveau paragraphe 45(1) de la Loi sur l’ASFC et décrits plus en détail à la section 2.2.1.3.2.
À la suite d’un examen, la CETPP doit rendre public un résumé de son rapport, et elle ajoute en annexe à ce résumé les observations du président de l’ASFC.
La CETPP et l’ASFC établiront ensemble des normes de service concernant les délais à respecter pour la tenue des examens; ces normes peuvent toutefois aussi être établies par le gouverneur en conseil.
La CETPP mettra également en œuvre des programmes d’éducation et d’information visant à mieux faire connaître son rôle aux personnes qui interagissent avec l’ASFC, y compris les personnes détenues par l’ASFC ou pour son compte.
Dans le cadre de ses fonctions d’examen ou d’enquête sur les plaintes, la CETPP doit avoir accès « en temps opportun » à tous les renseignements pertinents qui relèvent de l’ASFC ou qui sont en sa possession (nouveau par. 23(1) et nouvel art. 24 de la Loi sur l’ASFC). Aux fins d’examen, cela comprend les renseignements autrement protégés par toute immunité reconnue par le droit de la preuve, par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire ou par le privilège relatif au litige ou encore d’autres lois du Parlement (nouveau par. 23(2) de la Loi sur l’ASFC) 12. En ce qui concerne les plaintes, le nouvel article 24 de la Loi sur l’ASFC semble conférer à la CETPP un droit d’accès aux renseignements « malgré toute autre loi fédérale et toute immunité reconnue par le droit de la preuve », mais le nouveau paragraphe 38(2) de la Loi sur l’ASFC exclut les renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire ou par le privilège relatif au litige lorsqu’il s’agit de renseignements contenus dans les dossiers de plaintes visés au nouveau paragraphe 38(1) de la Loi sur l’ASFC.
Ce droit d’accès dans le cadre d’examens et d’enquêtes comporte des exceptions qui sont exposées au nouvel article 26 de la Loi sur l’ASFC. Plus précisément, la CETPP n’a pas accès aux renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada (c.‑à‑d. aux documents confidentiels du Cabinet) ni aux renseignements commerciaux dont le Canada s’est engagé à assurer la confidentialité en vertu d’une entente internationale.
Conformément au nouvel article 27 de la Loi sur l’ASFC, il est interdit à la CETPP de communiquer des renseignements autrement que dans les situations où la loi l’autorise ou l’exige. En outre, la CETPP doit retirer de ses rapports et résumés publics toute information dont la communication porterait atteinte à la sécurité ou à la défense nationales ou aux relations internationales; toute information dont la communication compromettrait l’exécution ou le contrôle d’application de la législation frontalière ou une enquête ou une poursuite relative à une infraction ou y nuirait sérieusement; ou des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat (nouvel art. 28 de la Loi sur l’ASFC). Le projet de loi prévoit d’autres restrictions en ce qui concerne la communication et l’utilisation des renseignements obtenus par la CETPP. En vertu de l’article 45.45 de la Loi sur la GRC, tous les employés de la CCETP, qui devient la CETPP, sont tenus de conserver l’habilitation de sécurité requise délivrée par le gouvernement du Canada et de respecter toutes les lois et les lignes directrices qui s’y rapportent. Le nouvel article 29 de la Loi sur l’ASFC précise que tout tiers agissant pour le compte de la CETPP doit satisfaire à des exigences équivalentes en matière de sécurité.
Le projet de loi C‑3 permet à tout particulier de déposer une plainte concernant la conduite, dans l’exercice des attributions qui lui sont conférées, de toute personne qui, au moment de la conduite reprochée, était un dirigeant ou un employé de l’ASFC (nouveau par. 33(1) de la Loi sur l’ASFC). Le document d’information de Sécurité publique Canada sur le projet de loi C‑3 explique le processus de traitement des plaintes en ces termes :
La CETPP pourrait recevoir […] des plaintes du public concernant le niveau de service offert par l’ASFC et la conduite de ses agents [et enquêter à leur sujet]. Elle pourrait également acheminer des plaintes à l’ASFC pour qu’une enquête initiale soit complétée. Si une personne n’était pas satisfaite de la façon dont l’ASFC a traité la plainte, elle pourrait demander à la CETPP de l’examiner 13.
Lorsque le précédent projet de loi C‑98 était à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, Karen McCrimmon, alors secrétaire parlementaire du ministre de l’époque, a donné d’autres précisions au sujet du traitement des plaintes concernant la conduite d’un dirigeant ou d’un employé de l’ASFC :
Un Canadien qui voudrait se plaindre des agissements ou du comportement d’un employé de l’Agence des services frontaliers du Canada porterait plainte soit auprès de l’Agence, soit auprès de la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public. Il pourrait porter plainte à deux endroits. Le système serait conçu de manière à ce qu’une plainte déposée auprès d’un organisme soit automatiquement transférée à l’autre. Les deux sauraient ce qui se passe et les deux auraient la responsabilité de donner suite à la plainte 14.
N’importe qui peut déposer une plainte contre l’ASFC. Aussi, toute personne qui est arrêtée ou détenue par un dirigeant ou un employé de l’ASFC a le droit d’être informée de son droit de déposer une plainte (nouvel art. 65 de la Loi sur l’ASFC). La plainte doit normalement être déposée dans l’année suivant la date de l’incident, à moins que la CETPP ou le président de l’ASFC ne prolonge ce délai (nouveaux par. 33(8) et 33(9) de la Loi sur l’ASFC). En outre, les personnes qui veulent déposer une plainte ont droit à l’aide de la CETPP (nouveau par. 33(12) de la Loi sur l’ASFC). Dans les meilleurs délais après la réception de la plainte, le président de l’ASFC doit aviser par écrit le dirigeant ou l’employé dont la conduite est visée par la plainte (nouvel art. 34 de la Loi sur l’ASFC). Par ailleurs, un plaignant peut retirer une plainte à tout moment, auquel cas le dirigeant ou l’employé de l’ASFC en cause doit aussi être avisé par écrit. Toutefois, lorsqu’une plainte est retirée par un plaignant, la CETPP doit conserver tous les éléments de preuve qu’elle a déjà recueillis relativement à cette plainte et peut quand même décider de procéder à un examen du dossier malgré le retrait de la plainte (nouveaux par. 35(5) et 35(6) de la Loi sur l’ASFC).
Lorsque la CETPP avise le président de l’ASFC qu’une plainte a été déposée, le président peut examiner la possibilité de régler la plainte à l’amiable, moyennant le consentement écrit du plaignant et du dirigeant ou de l’employé en cause (nouvel art. 36 de la Loi sur l’ASFC).
Même si les plaintes ne peuvent généralement être déposées que par les personnes directement touchées par la conduite d’un dirigeant ou d’un employé de l’ASFC, un plaignant peut se faire représenter par son tuteur, curateur, mandataire ou toute autre personne qu’il désignera par écrit (nouvel art. 37 de la Loi sur l’ASFC).
Aux termes du nouvel article 38 de la Loi sur l’ASFC, la CETPP et le président de l’ASFC doivent conserver un dossier pour toutes les plaintes qu’ils reçoivent ou dont ils sont avisés. Le président de l’ASFC doit mettre les dossiers de l’ASFC à la disposition de la CETPP sur demande, sous réserve des restrictions établies au nouvel article 26 de la Loi sur l’ASFC.
Le projet de loi C‑3 précise que la CETPP peut refuser d’examiner la plainte dans des conditions semblables à celles stipulées pour la CCETP au paragraphe 45.53(2) de la Loi sur la GRC, par exemple si elle estime que la plainte est vexatoire, futile ou a été portée de mauvaise foi ou est déposée par un particulier qui n’est pas visé par la conduite, à moins qu’il s’agisse du tuteur ou de tout autre représentant de la personne en cause (nouveau par. 33(2) de la Loi sur l’ASFC). De plus, selon le nouvel alinéa 33(3)a) de la Loi sur l’ASFC, la CETPP est tenue de refuser d’examiner la plainte si un autre organisme fédéral ou provincial est mieux placé pour s’en occuper. En pareil cas, la CETPP doit préciser au plaignant l’organisme en question. La CETPP doit également refuser d’examiner la plainte au cas où « cela compromettrait l’exécution ou le contrôle d’application de la législation frontalière ou une enquête ou une poursuite relative à une infraction, ou y nuirait sérieusement » (nouvel al. 33(3)c) de la Loi sur l’ASFC). La CETPP doit également refuser d’examiner toute plainte qu’elle reçoit concernant la sécurité nationale, et renvoyer une telle plainte à l’OSASNR (nouveau par. 33(4) de la Loi sur l’ASFC). Lorsqu’elle refuse d’examiner la plainte, la CETPP doit transmettre par écrit un avis expliquant les raisons de son refus (nouveau par. 33(5) de la Loi sur l’ASFC).
Les parties concernées ne sont pas les seules à pouvoir déposer une plainte. Conformément au nouvel article 39 de la Loi sur l’ASFC, le président de la CETPP peut aussi déposer une plainte de sa propre initiative concernant la conduite d’un dirigeant ou d’un employé, ancien ou actuel, de l’ASFC s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de le faire. Dans ce cas, le président de la CETPP adopte le rôle de « plaignant ».
Le dépôt d’une plainte contre un employé de l’ASFC n’a pas pour effet d’empêcher toute autre procédure judiciaire mettant en cause le plaignant ou de la retarder, ou de permettre à un plaignant qui n’est pas citoyen canadien d’entrer au Canada ou d’y demeurer au‑delà de la période de séjour autorisé (nouvel art. 64 de la Loi sur l’ASFC).
Lorsqu’une plainte valide est déposée auprès de la CETPP, l’ASFC doit lancer une enquête, à moins qu’une telle enquête ne risque de compromettre ou d’entraver sérieusement la capacité de l’ASFC d’exécuter son mandat, ou à moins que la CETPP avise le président de l’ASFC qu’elle enquêtera elle‑même sur la plainte (nouveaux par. 40(1) et 40(2) de la Loi sur l’ASFC).
Le nouveau paragraphe 41(1) de la Loi sur l’ASFC prévoit que l’ASFC peut refuser de mener une enquête ou y mettre fin pour les raisons énumérées au nouveau paragraphe 33(2) et au nouvel alinéa 33(3)b) de la Loi sur l’ASFC. De plus, en vertu des nouveaux paragraphes 41(2) et 41(3) de la Loi sur l’ASFC, le président de l’ASFC doit ordonner à l’ASFC de ne pas enquêter ou de cesser d’enquêter si un autre organisme fédéral ou provincial est mieux placé pour le faire dans un dossier donné. Dans un tel cas, un avis écrit doit être transmis au plaignant ainsi qu’au dirigeant ou à l’employé en question. Le plaignant a le droit d’être avisé par écrit de l’état de l’avancement de l’enquête si cela ne risque pas d’en compromettre le déroulement (nouvel art. 43 de la Loi sur l’ASFC).
Aux termes du nouvel article 44 de la Loi sur l’ASFC, dans les meilleurs délais après l’enquête, le président de l’ASFC prépare un rapport résumant ses conclusions de l’enquête de même que les mesures prises ou projetées pour régler la plainte. Ce rapport est remis au plaignant et au dirigeant ou à l’employé en cause de l’ASFC.
Dans les deux cas (soit si l’ASFC refuse d’enquêter ou cesse d’enquêter, soit si le plaignant reçoit un rapport du président de l’ASFC après enquête), le plaignant peut, par écrit, renvoyer l’affaire à la CETPP s’il n’est pas satisfait de la décision de refuser ou de cesser d’enquêter ou encore du rapport. Ce processus est décrit aux nouveaux articles 50 à 52 de la Loi sur l’ASFC. La CETPP est tenue d’examiner les décisions et les plaintes qu’elle reçoit aux termes de l’article 50, et doit faire rapport au président de l’ASFC, au dirigeant ou à l’employé en cause, ainsi qu’au plaignant dans son rapport final sur la plainte, qui doit comprendre ses conclusions et ses recommandations. Si la CETPP n’est pas non plus satisfaite du rapport ou de la décision, elle peut demander à l’ASFC d’enquêter sur la plainte, notamment de façon plus approfondie, soit mener elle‑même une enquête. Elle peut notamment convoquer une audience à son égard.
Le nouvel article 46 de la Loi sur l’ASFC précise que la CETPP enquêtera sur les plaintes qu’elle reçoit lorsque le président de la CETPP est d’avis qu’il est dans l’intérêt public de le faire; si tel est le cas, la CETPP pourra convoquer des audiences. Conformément au nouveau paragraphe 47(1) de la Loi sur l’ASFC, la CETPP pourra décider de clore une enquête en cours pour les raisons énumérées au nouveau paragraphe 33(2) de la Loi sur l’ASFC, qui sont exposées à la section 2.2.1.3. du présent résumé législatif. Elle peut également mettre fin à une enquête si elle estime qu’il n’est pas nécessaire ou possible en pratique de la poursuivre. La CETPP a également le devoir de clore une enquête lorsque les circonstances décrites aux nouveaux paragraphes 33(3) et 33(4) s’appliquent. De plus, elle peut réunir des plaintes semblables en vue de la tenue d’une seule enquête (nouvel art. 48 de la Loi sur l’ASFC). Le projet de loi C‑3 précise également les types d’avis et le compte rendu que la CETPP doit transmettre aux parties visées pendant et après une enquête (nouveaux par. 47(4), 47(5) et 47(6) et nouvel art. 49 de la Loi sur l’ASFC).
Le nouveau paragraphe 45(1) de la Loi sur l’ASFC décrit les pouvoirs de la CETPP en ce qui a trait à ses fonctions d’examen et d’enquête sur les plaintes. La CETPP a les pouvoirs d’une « cour supérieure d’archives ». Elle peut assigner et contraindre des témoins à comparaître devant elle et à déposer verbalement ou par écrit, exiger la production de documents, procéder à l’examen des dossiers et faire prêter serment. Les nouveaux paragraphes 45(3) et 45(4) de la Loi sur l’ASFC décrivent les conditions relatives à l’admissibilité des éléments de preuve devant la CETPP.
Le nouvel article 53 de la Loi sur l’ASFC établit des règles concernant les audiences convoquées par la CETPP. Par exemple, le paragraphe 53(2) précise qu’un ou plusieurs membres, ou encore tous les membres de la CETPP peuvent tenir une audience. Les audiences peuvent se dérouler n’importe où au Canada, selon l’endroit où se trouvent les parties, et ces dernières ont droit à des frais de déplacement et de séjour conformément aux directives du Conseil du Trésor, s’il y a lieu (nouveaux par. 53(5) et 53(11) de la Loi sur l’ASFC, respectivement). Les audiences sont généralement publiques, sauf si la CETPP décide, pour l’un ou l’autre des motifs énoncés au paragraphe 53(6), qu’une audience ou une partie de celle‑ci doit se tenir à huis clos ou en l’absence d’une partie. D’autres dispositions relatives aux audiences portent sur le droit des parties de se faire représenter par un conseiller juridique (nouveaux par. 53(8) et 53(9) de la Loi sur l’ASFC), et le droit des parties et des personnes montrant qu’elles ont « un intérêt direct et réel dans la plainte » de présenter des éléments de preuve à l’audience et de contre‑interroger des témoins (nouveau par. 53(7) de la Loi sur l’ASFC).
En outre, le nouvel article 54 de la Loi sur l’ASFC oblige la CETPP à suspendre l’enquête, la révision ou l’audience si sa poursuite risque de nuire sérieusement à la capacité de l’ASFC d’exécuter ou d’appliquer sa législation frontalière ou de mener une enquête ou une poursuite. La CETPP peut aussi, sans y être tenue, suspendre une audience si sa poursuite risque de nuire à une procédure civile ou administrative en cours.
Au terme de l’enquête ou de l’audience sur une plainte, la CETPP doit transmettre un rapport provisoire présentant ses conclusions au président de l’ASFC. Ce dernier doit ensuite y donner suite, et la CETPP prépare un rapport final énonçant ses conclusions et recommandations et en transmet une copie aux parties.
Les conclusions et les recommandations énoncées dans le rapport final de la CETPP sont définitives et ne sont pas susceptibles d’appel ou de révision en justice.
Les nouveaux articles 58 à 61 de la Loi sur l’ASFC indiquent que l’ASFC doit amorcer une enquête sur tout « incident grave » qui serait survenu et qui aurait été commis par un dirigeant ou un employé de l’ASFC dans l’exercice de ses attributions, et ce, après en avoir d’abord avisé le service de police compétent du lieu où l’incident serait survenu. La définition du terme « employé » aux fins de ce type d’enquête comprend toute personne qui assiste l’ASFC dans l’exercice des attributions qui lui sont conférées, à l’exception des dirigeants et des employés des autorités provinciales qui collaborent avec l’ASFC conformément à un accord ou à une entente concernant la détention, comme indiqué à la section 2.2.2 du présent résumé législatif. Aux fins du présent projet de loi, un « incident grave » s’entend d’un incident qui peut avoir causé la mort ou des blessures graves – y compris des dommages psychologiques – ou de toute autre infraction à une loi fédérale ou provinciale à l’égard de laquelle il serait dans l’intérêt public que l’ASFC enquête, selon la décision prise par le ministre ou le président de l’ASFC.
Le président de la CETPP peut déléguer à son vice‑président ou, en cas de vacance de ce poste, à tout autre membre de la CETPP, les attributions qui lui sont conférées, à l’exception du pouvoir de délégation (nouvel art. 61 de la Loi sur l’ASFC). La CETPP peut aussi, avec l’approbation du Conseil du Trésor et conformément aux lignes directrices du Conseil du Trésor, engager, à titre temporaire, des experts pour l’assister dans l’exercice des attributions qui lui sont conférées (nouvel art. 63 de la Loi sur l’ASFC).
Le nouvel article 31 de la Loi sur l’ASFC prévoit que les membres, les dirigeants et les employés de la CETPP ainsi que les personnes agissant pour son compte bénéficient de l’immunité en matière pénale, civile et administrative pour les actes accomplis, les rapports ou comptes rendus établis et les paroles prononcées de bonne foi. Sous réserve de certaines exceptions, ces personnes ne peuvent être contraintes à témoigner. Le libellé du nouvel article sur les immunités est très semblable à celui de l’article 45.5 de la Loi sur la GRC existante concernant les immunités déjà accordées à la CCETP.
En plus d’être tenue de produire un rapport annuel, comme le prévoit déjà l’article 45.52 de la Loi sur la GRC modifié par le projet de loi, la CETPP peut présenter des rapports spéciaux au ministre ou au président de l’ASFC sur toute question relevant des attributions qui lui sont conférées (nouvel art. 32 de la Loi sur l’ASFC). Un résumé du rapport spécial doit également être rendu public.
Les nouveaux articles 67 à 70 de la Loi sur l’ASFC créent trois nouvelles catégories d’infractions relatives à la tenue des enquêtes et des audiences de la CETPP et établissent les peines applicables. Ces infractions sont très semblables à celles prévues aux articles 50 à 52 de la Loi sur la GRC.
La première catégorie d’infractions, énoncée au nouvel article 67 de la Loi sur l’ASFC, porte sur la comparution des témoins devant la CETPP. Commet une infraction la personne qui, convoquée comme témoin par la CETPP, ne se présente pas; refuse de prêter serment ou de faire une affirmation solennelle; refuse de produire des documents qu’elle a en sa possession; refuse de répondre à une question; profère des propos insultants ou menaçants ou fait obstruction d’une manière ou d’une autre; imprime ou publie sciemment des remarques dans le but de convaincre un témoin de ne pas témoigner. Ces infractions sont passibles d’une amende maximale de 5 000 $, d’un emprisonnement maximal de six mois, ou l’une de ces peines.
Le nouvel article 68 de la Loi sur l’ASFC établit la deuxième catégorie d’infractions. Commet une infraction quiconque harcèle, gêne ou intimide une autre personne; détruit ou falsifie des documents ou des éléments de preuve; ou conseille à une personne de commettre l’un de ces actes. La personne qui commet l’une de ces infractions est passible, sur déclaration de culpabilité, d’un emprisonnement maximal de cinq ans, par mise en accusation; ou d’un emprisonnement de six mois et d’une amende maximale de 5 000 $, ou l’une de ces peines, par procédure sommaire.
La troisième catégorie d’infractions, énoncée au nouvel article 69 de la Loi sur l’ASFC, concerne l’obligation des membres, des dirigeants et des employés de la CETPP de ne pas communiquer des renseignements qu’ils ont obtenus ou auxquels ils avaient accès dans l’exercice des attributions qui leur sont conférées au sein de la CETPP, sauf dans les cas où la loi le permet. Ces obligations sont décrites au nouvel article 27 et au nouveau paragraphe 29(3) de la Loi sur l’ASFC.
Les poursuites par procédure sommaire des infractions prévues aux articles 67, 68 et 69 de la Loi sur l’ASFC doivent être intentées dans un délai de deux ans à compter de leur perpétration (nouvel art. 70 de la Loi sur l’ASFC).
L’article 14 modifie l’article 13 de la Loi sur l’ASFC de manière à établir les conditions dans lesquelles l’ASFC peut conclure des accords ou des ententes avec le gouvernement d’une province concernant la détention de personnes pour son compte (nouveaux par. 13(3) à 13(6) de la Loi sur l’ASFC). L’ASFC a actuellement le pouvoir de conclure des accords ou des ententes avec le gouvernement d’une province en vertu du paragraphe 13(2) de la Loi sur l’ASFC, mais la loi actuelle ne contient aucune précision quant aux restrictions ou aux conditions de cette activité, et ne fait pas mention d’accords liés aux détentions.
Le projet de loi C‑3 précise que l’ASFC peut conclure un accord ou une entente avec le gouvernement d’une province, autorisant la province à détenir des personnes pour le compte de l’ASFC seulement si le ministre fédéral est d’avis que cette province dispose d’un mécanisme d’examen indépendant adéquat pour traiter les plaintes concernant le traitement de personnes détenues. Le projet de loi prévoit une exception à la restriction susmentionnée s’il existe un besoin urgent de pourvoir à la détention d’une personne dans une province en particulier. Par ailleurs, si une personne détenue par une province au titre d’un tel accord ou d’une telle entente soumet une plainte sur son traitement en détention ou sur ses conditions de détention auprès d’une autorité compétente de la province, l’ASFC doit fournir à la CETPP tout renseignement qu’elle a en sa possession et qui concerne la plainte.
L’ensemble des provinces et des territoires – à l’exception de l’Île‑du‑Prince‑Édouard et du Nunavut – disposent actuellement de mécanismes indépendants de traitement des plaintes. Aux termes du projet de loi C‑3, l’ASFC ne serait donc pas autorisée à conclure un accord relatif aux détentions avec l’une ou l’autre de ces deux administrations, nonobstant l’exception précisée ci‑dessus 15.
L’article 15 du projet de loi établit le nouvel article 66 de la Loi sur l’ASFC, qui permet à la CETPP d’effectuer des examens ainsi que tenir des enquêtes, des révisions et des audiences conjointement avec une autorité compétente de la province, afin d’enquêter sur une plainte relative à la détention d’une personne dans un établissement provincial au titre d’un accord ou d’une entente en matière de détention, sous réserve des règlements pris par le gouverneur en conseil.
Le projet de loi C‑3 apporte des modifications corrélatives à la Loi sur l’accès à l’information, à la Loi sur la preuve au Canada, à la Loi sur la gestion des finances publiques, à la Loi sur la protection de l’information, à la Loi sur la protection des renseignements personnels, à la Loi sur la rémunération du secteur public et à la Loi sur le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères. Ces modifications corrélatives visent généralement à remplacer toute mention de la CCETP par sa nouvelle appellation, à savoir la CETPP.
L’article 42 du projet de loi C‑3 prévoit qu’il entrera en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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