Le partage des compétences entre les différents ordres de gouvernement est l’une des principales caractéristiques du fédéralisme. Afin de guider cet exercice, la Loi constitutionnelle de 1867 établit une répartition des pouvoirs législatifs entre le Parlement fédéral et les assemblées législatives provinciales. Ces pouvoirs sont énoncés aux articles 91 à 95 de cette loi.
Cependant, la simple lecture de ces dispositions est habituellement insuffisante pour déterminer de quel ordre de gouvernement les divers domaines législatifs relèvent. Avec l’émergence de nouveaux domaines et les complexités grandissantes entourant l’autorité législative, des questions persistent, notamment les suivantes : Quels sont les domaines qui relèvent de chaque ordre de gouvernement? Les ordres de gouvernement ont-ils la compétence requise pour adopter des lois qui portent sur ces domaines? Les tribunaux canadiens sont régulièrement appelés à se pencher sur ces questions et ont fourni, au fil du temps, certains principes d’interprétation. Les réponses n’en demeurent pas moins complexes.
La présente Étude de la Colline s’attarde au partage des compétences législatives entre le Parlement fédéral et les assemblées législatives provinciales en lien avec certains domaines en particulier. D’une part, elle décrit brièvement les articles pertinents de la Loi constitutionnelle de 1867 qui portent sur les pouvoirs législatifs et, d’autre part, comment certains pouvoirs législatifs ont été conférés aux ordres de gouvernement appropriés à la lumière des principes d’interprétation élaborés par les tribunaux.
La question des divers champs de compétences ayant une portée très vaste, la présente étude ne s’attarde pas précisément aux principes d’interprétation et n’énumère pas l’ensemble des pouvoirs législatifs. Elle tente plutôt de donner un aperçu du partage des compétences rattachées à certains domaines au Canada, lesquels domaines ont été sélectionnés en raison de leur caractère plus complexe. Il est également question de domaines ou de lois dont les aspects relèvent à la fois du Parlement du Canada et des législatures provinciales, et de cas où des lois ou des dispositions législatives ont été jugées valides même si elles empiètent incidemment sur des domaines qui relèvent de l’autre ordre de gouvernement.
Finalement, il importe de souligner que les principes qui guident l’interprétation du partage des compétences sont en constante évolution. Ceci peut être attribuable à divers facteurs, comme l’émergence de nouveaux domaines législatifs ou la reconnaissance du fait que les peuples autochtones jouissent du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. En droit constitutionnel, il est souvent fait référence à la métaphore de l’arbre vivant, selon laquelle les textes constitutionnels canadiens doivent s’adapter aux nouvelles situations et réalités sociétales. Les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 sur le partage des compétences n’y font pas exception.
Inhérent à tout système fédéraliste, le partage des compétences législatives permet de déterminer quel ordre de gouvernement peut légiférer sur les divers domaines de droit. Au Canada, le partage des compétences entre le Parlement du Canada, qui peut adopter des lois applicables sur l’ensemble du territoire canadien, et les assemblées législatives des provinces, qui peuvent adopter des lois applicables sur leur territoire respectif, est prévu aux articles 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 1. Les provinces ne sont pas subordonnées au Parlement du Canada et des champs de compétence exclusifs leur ont été attribués.
Il convient de préciser que les trois territoires du Canada n’ont aucune compétence de plein droit en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. En effet, le Parlement du Canada peut, conformément à cette loi, légiférer sur tous les domaines de compétence dans les territoires, bien qu’il ait délégué une grande partie de ces pouvoirs aux assemblées législatives territoriales par le transfert de responsabilités.
De même, les compétences des municipalités découlent de la délégation de certains pouvoirs provinciaux à celles-ci.
La présente publication offre une brève description du partage des pouvoirs entre les ordres de gouvernement au Canada et résume l’interprétation judiciaire appliquée à certains domaines de compétence particuliers.
Le partage des compétences prévu aux articles 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 est réputé exhaustif. Cela signifie que tout nouveau domaine législatif doit être rattaché à une compétence prévue à la Loi constitutionnelle de 1867, et ce, même si ce domaine n’existait pas en 1867.
La simple lecture de la Loi constitutionnelle de 1867 n’est pas suffisante pour déterminer si un domaine législatif particulier relève de la compétence fédérale ou provinciale. En effet, il a été nécessaire de recourir à l’interprétation judiciaire afin de préciser les pouvoirs constitutionnels des différents ordres de gouvernement 2.
Qui plus est, certaines compétences ont fait l’objet d’une interprétation très large, comme dans le cas du pouvoir des provinces de légiférer en matière de propriété et de droit civil; d’autres pouvoirs ont pour leur part fait l’objet d’une interprétation plus restrictive, comme dans le cas de la compétence générale du Parlement du Canada en matière de commerce (voir la section 3.9 de la présente Étude de la Colline).
L’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 énonce les domaines qui relèvent de la compétence exclusive du Parlement du Canada. C’est le cas, par exemple, des questions qui touchent l’ensemble du pays, tel que le service militaire et naval ainsi que le cours monétaire. D’autres domaines ont par ailleurs été attribués au Parlement afin de garantir une uniformité juridique à travers le pays, comme les domaines relatifs à la faillite, au divorce et au droit criminel. L’article 91 prévoit également, dans son paragraphe introductif, le pouvoir du Parlement du Canada de faire des lois pour
la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces 3.
Bien que la signification et les implications précises de l’expression « la paix, l’ordre et le bon gouvernement » aient fait l’objet de nombreux débats et de nombreuses interprétations juridiques, le Parlement a notamment exercé ce pouvoir, qualifié de « résiduel », dans les domaines pour lesquels le partage des compétences présente des lacunes en ce qui concerne les questions d’intérêt national et dans des situations d’urgence 4.
L’article 92 énonce pour sa part les domaines de compétence des provinces, notamment en ce qui a trait à la taxation dans les limites de la province, aux prisons, aux hôpitaux ou encore aux municipalités. Par ailleurs, la compétence législative provinciale qui a fait l’objet de l’interprétation la plus vaste est celle prévue au paragraphe 92(13), à savoir la propriété et les droits civils. Cette compétence permet aux provinces de légiférer sur des domaines aussi variés que la réglementation des professions, le droit du travail, le droit contractuel, ou encore la protection du consommateur 5. Enfin, les provinces peuvent également faire des lois relatives à « toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province6 ».
Tout en reconnaissant le principe de la prépondérance fédérale en cas d’incompatibilité, l’article 92A prévoit pour sa part que chaque province a compétence pour légiférer à l’égard de la prospection de ses ressources naturelles non renouvelables, de l’exploitation, de la conservation et de la gestion de ses ressources naturelles non renouvelables et de ses ressources forestières, ainsi qu’à l’égard de certaines activités en lien avec ses emplacements et ses installations électriques 7.
En ce qui concerne l’éducation, l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 confère expressément cette compétence aux provinces, mais l’exercice de ce pouvoir est assujetti à des dispositions relatives à la protection de minorités religieuses particulières dans certaines provinces 8.
L’article 94A de la Loi constitutionnelle de 1867 permet au Parlement du Canada de légiférer sur les pensions de vieillesse et les prestations additionnelles, toutefois, les lois provinciales ont prépondérance sur la législation fédérale en la matière 9. Enfin, l’article 95 prévoit des compétences partagées entre les deux ordres de gouvernement, soit les compétences en agriculture et en immigration.
Il convient de souligner que, dans certains cas, les compétences qui seraient normalement dévolues à un ordre de gouvernement en particulier peuvent relever de l’autre si elles s’appliquent à des personnes ou des domaines donnés. Ici, il ne s’agit pas d’ingérence de la part du Parlement ou de la législature provinciale dans les compétences de l’autre ordre de gouvernement, mais plutôt de la capacité de chacun d’exercer ses propres compétences sur les questions ou les personnes qui relèvent de sa compétence. Par exemple, le droit du travail relève habituellement de la compétence des provinces, mais ce sont les lois fédérales qui s’appliquent aux entreprises et aux employeurs de compétence fédérale 10.
Tout ce qui concerne les lois criminelles relève de la compétence exclusive du Parlement du Canada en vertu du paragraphe 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867. Le Parlement a notamment exercé cette compétence en adoptant le Code criminel en 1890, entre autres lois de nature criminelle. Cependant, pour être considérée comme un exercice valide des compétences du Parlement en matière de droit pénal, la loi fédérale doit :
Le Parlement du Canada peut, en vertu de son pouvoir d’adopter des lois en matières criminelles, légiférer dans certains domaines, tels que la santé et l’environnement. Voici quelques exemples de sujets relevant de la compétence du Parlement du Canada de légiférer en matière criminelle :
Il importe de noter que bien que les règles de procédure criminelle relèvent de la compétence du fédéral, certaines responsabilités sont conférées aux provinces en matière d’« administration de la justice dans la province » (ce sujet sera abordé plus loin), tout comme l’est le pouvoir de légiférer en matière de sanctions pénales pour l’application des lois provinciales 15.
En ce qui concerne les établissements carcéraux, le Parlement du Canada et les assemblées législatives provinciales se partagent cette compétence. En effet, alors que le paragraphe 91(28) confère au Parlement la responsabilité à l’égard de l’établissement, du maintien et de l’administration des pénitenciers (pour les peines d’emprisonnement de deux ans ou plus), la compétence entourant l’établissement, l’entretien et l’administration des prisons dans une province (pour les peines d’emprisonnement de moins de deux ans) est conférée aux provinces en vertu du paragraphe 92(6). Les peines relatives aux infractions à des lois fédérales peuvent être purgées dans des établissements provinciaux et, inversement, celles qui découlent de lois provinciales peuvent être purgées dans des pénitenciers fédéraux, tout dépendant de la durée de la peine.
Les établissements pour les mineurs relèvent de la compétence provinciale. La Loi sur les jeunes contrevenants, une loi fédérale, s’applique aux personnes âgées de 12 à 17 ans inclusivement accusées d’infractions à des lois fédérales, dont le Code criminel. Les lois provinciales sur les jeunes contrevenants visent les jeunes accusés d’infractions aux lois provinciales.
Bien que le paragraphe 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que le Parlement du Canada a compétence en matière de procédure criminelle, ce sont généralement les provinces qui veillent à l’application du Code criminel, par exemple en menant des enquêtes, en portant des accusations et en intentant des poursuites. Le paragraphe 92(14) confère en effet aux provinces le pouvoir relatif à « l’administration de la justice dans la province ». Selon l’interprétation faite par les tribunaux, ce pouvoir s’étend au droit criminel, attribuant aux provinces des pouvoirs relatifs aux corps policiers provinciaux (ainsi qu’à leur réglementation) et aux poursuites associées aux infractions prévues au Code criminel 16.
Par ailleurs, la compétence entourant les tribunaux civils et criminels relève exclusivement des provinces pour ce qui est de l’administration de la justice. Cela comprend notamment la création, le maintien et l’organisation des tribunaux provinciaux. En outre, le paragraphe 91(27) exclut expressément « la constitution des tribunaux de juridiction criminelle » des compétences du Parlement du Canada en matière criminelle. Le pouvoir des provinces entourant l’administration de la justice ne doit cependant pas empiéter sur le pouvoir exclusif du Parlement de nommer les juges des cours supérieures 17.
La Loi constitutionnelle de 1867 ne prévoit pas une compétence distincte en matière d’environnement. Ainsi, le Parlement du Canada et les assemblées législatives des provinces peuvent légiférer dans ce domaine, dans la mesure où cela se fait conformément à leurs compétences respectives. Ainsi, pour déterminer de quel ordre de gouvernement relève une compétence en matière d’environnement, il importe de cerner le domaine énoncé dans la Loi constitutionnelle de 1867 qui correspond le mieux à l’élément fondamental de la loi ou du règlement en question. Il convient ensuite de déterminer si la Loi constitutionnelle de 1867 confère le pouvoir de légiférer sur cette matière au Parlement du Canada ou aux assemblées législatives des provinces.
Par exemple, le Parlement peut légiférer en matière d’environnement lorsque la caractéristique dominante de la loi en question correspond aux « pêcheries des côtes de la mer et de l’intérieur 18 », à la « navigation et [d]es bâtiments ou navires 19 » et à la propriété publique fédérale 20. La caractéristique dominante ou l’objet de la loi est important – par exemple, si une loi porte sur les pêcheries uniquement de façon incidente, elle ne saurait relever de la compétence du Parlement.
Le Parlement peut aussi adopter des lois relatives à l’environnement en vertu de son pouvoir « de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada ». La Cour suprême a confirmé cela dans un renvoi concernant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Selon la Cour, le réchauffement planétaire cause des dommages au-delà des frontières provinciales et est une matière d’intérêt national puisque, en l’absence de loi fédérale liant les provinces, il n’existe absolument rien qui protège la population canadienne contre les conséquences des mesures insuffisantes d’une province pour limiter les émissions de gaz à effet de serre 21.
En outre, le Parlement du Canada peut adopter des lois relatives à l’environnement en vertu de son pouvoir exclusif en matière criminelle. Cette compétence a notamment été confirmée dans l’arrêt R. c. Hydro-Québec, où la Cour suprême du Canada a déclaré valides certaines dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement 22 qui interdisent certains « actes précis en vue de prévenir la pollution ou, autrement dit, le rejet de certaines substances toxiques dans l’environnement 23 ».
De manière générale, les provinces peuvent légiférer sur un grand nombre de questions environnementales en vertu de leur pouvoir en matière de propriété et de droits civils et en lien aux questions de nature purement locale ou privée dans la province, entre autres 24. Ainsi, comme il s’agit d’un domaine de compétence partagée, la Cour suprême du Canada a statué que les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent adopter des mécanismes coordonnés en matière d’environnement, notamment dans le cadre d’évaluations environnementales 25.
Contrairement à l’environnement, les ressources naturelles sont généralement associées à des domaines de compétence spécifiques en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867.
En général, les provinces peuvent légiférer en matière de ressources naturelles en vertu de leurs pouvoirs associés à la taxation 26, aux travaux et entreprises d’une nature locale 27, à la propriété et aux droits civils dans la province 28 ainsi qu’aux matières d’une nature purement locale ou privée dans la province 29. En 1982, l’ajout de l’article 92A à la Loi constitutionnelle de 1867 a élargi les compétences exclusives des provinces relativement à la prospection des ressources naturelles non renouvelables de la province, à l’exploitation, à la conservation et à la gestion des ressources naturelles non renouvelables et des ressources forestières de la province, à l’aménagement, à la conservation et à la gestion des emplacements et des installations de la province destinés à la production de l’énergie électrique 30.
Comme il a été fait précédemment mention, les territoires n’ont aucun pouvoir constitutionnel en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. Le pourvoir à l’égard des ressources naturelles a plutôt été délégué aux Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Par ailleurs, bien que le gouvernement fédéral ait transféré bon nombre de responsabilités au gouvernement du Nunavut, le Parlement ne lui a pas encore délégué le pouvoir à l’égard des ressources naturelles. En 2019, les gouvernements fédéral et du Nunavut se sont entendus sur les principes d’une entente définitive visant le transfert officiel au gouvernement territorial des responsabilités à l’égard des ressources naturelles du Nunavut 31.
Le Parlement peut réglementer ce qui touche aux ressources naturelles sur les propriétés fédérales, comme les parcs nationaux, les bases militaires ainsi que les eaux situées à l’extérieur des frontières géographiques des provinces et des territoires 32. Il peut en outre réglementer les ressources naturelles dans les réserves des Premières Nations 33. Le Parlement du Canada peut également faire des lois qui ont une incidence sur les ressources naturelles, en vertu de ses pouvoirs associés aux domaines suivants :
Le Parlement peut en outre invoquer son pouvoir déclaratoire en vertu de l’alinéa 92(10)c) pour déclarer sa compétence en matière de ressources naturelles. Par exemple, dans le cadre de l’adoption de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, le Parlement du Canada a déclaré avoir compétence en ce qui concerne l’énergie nucléaire et les substances nucléaires 38. Le pouvoir déclaratoire peut toujours être invoqué en ce qui concerne les installations nucléaires, qui seraient autrement du ressort des provinces.
Le Parlement du Canada et les assemblées législatives des provinces se partagent la compétence législative entourant les travaux et entreprises de transport et de communication. En effet, le paragraphe 92(10) de la Loi constitutionnelle de 1867 adopte une approche territoriale à l’égard du transport et des communications en conférant aux assemblées législatives des provinces les pouvoirs relatifs aux travaux et entreprises d’une nature locale, sauf pour les « travaux et entreprises reliant la province à une autre ou à d’autres provinces, ou s’étendant au-delà des limites de la province ».
Par conséquent, en vertu des alinéas 92(10)a) et 92(10)b), une entreprise de transport ou de communication relève généralement de la compétence de la province si elle se situe exclusivement à l’intérieur des limites de cette province, mais elle relève de la compétence du Parlement si elle s’étend au-delà des limites de la province 39.
Toutefois, le Parlement du Canada peut invoquer son pouvoir déclaratoire en vertu de l’alinéa 92(10)c) pour faire valoir son autorité législative sur des travaux ou entreprises qui ne relèvent habituellement pas de sa compétence. Le pouvoir déclaratoire a été invoqué à plus de 472 occasions. De ce nombre, la majorité s’appliquait à l’approbation de voies ferroviaires locales 40.
Voici d’autres dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 qui confèrent au Parlement la compétence à l’égard du transport :
En 2012, la Cour suprême a établi que la compétence fédérale sur les entreprises touchant la navigation et les bâtiments ou navires n’est pas absolue mais doit être examinée à la lumière du paragraphe 92(10) dont la fonction est d’opérer le partage du pouvoir législatif sur les ouvrages et entreprises de transport et de communication en fonction de la portée territoriale de leurs activités 42. De plus, l’aviation relève de la compétence exclusive du Parlement en vertu de son pouvoir de légiférer pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada 43. Cela est vrai même lorsqu’une compagnie d’aviation exerce ses activités à l’intérieur des limites d’une seule province 44.
Les télécommunications et la radiodiffusion, dont la portée est à la fois interprovinciale et internationale, relèvent de la compétence exclusive du Parlement en vertu de l’alinéa 92(10)a) et du paragraphe 91(29) ainsi que du pouvoir de légiférer pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement 45. Toutefois, certaines lois provinciales, comme les lois sur la protection des consommateurs, peuvent s’appliquer à ce domaine de compétence 46. De plus, la Cour d’appel du Québec a confirmé que la compétence fédérale exclusive en matière de télécommunications s’étend aux communications en ligne, clarifiant ainsi une certaine ambiguïté juridique concernant la compétence constitutionnelle relative à l’Internet 47.
Le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au Parlement du Canada l’autorité législative exclusive concernant « [l]es Indiens et les terres réservées pour les Indiens 48 ». Ainsi, le Parlement peut adopter des lois qui ne s’appliquent qu’aux « Indiens », même si l’objet de ces lois relèverait ordinairement de la compétence des provinces si elles devaient s’appliquer à des non‑Autochtones 49.
Historiquement, le Parlement a principalement exercé ce pouvoir à l’égard des personnes qui bénéficiaient d’un statut en vertu de la Loi sur les Indiens 50, qui régit de nombreux aspects de la vie et des terres des membres inscrits des Premières Nations. En outre, le gouvernement fédéral a adopté diverses autres lois concernant les membres des Premières Nations et les terres qui leur sont réservées 51.
La Cour suprême a indiqué que les Inuits, les Métis et les membres non inscrits des Premières Nations relèvent de la compétence du gouvernement fédéral en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 52. Bien que la Cour suprême n’a pas créé une obligation légale de fournir des programmes et des services aux Métis et aux membres non inscrits des Premières Nations, le gouvernement fédéral s’est néanmoins engagé à établir, avec ces derniers, un partenariat « qui sera fondé sur la reconnaissance des droits, le respect et le partenariat avec comme objectif de faire progresser la réconciliation 53 ».
Malgré cette compétence exclusive du fédéral, les lois provinciales valides d’application générale demeurent, pour la plupart, applicables aux Inuits et aux membres inscrits des Premières Nations, ainsi que sur les réserves 54. La Cour suprême du Canada a en effet rejeté la théorie de « l’enclave » selon laquelle les terres des Premières Nations (réserves) sont à l’abri de toute intervention législative provinciale 55. À titre d’exemple, des lois provinciales sur des sujets aussi divers que les véhicules automobiles 56, la chasse 57 ou encore le droit du travail 58 ont été reconnues comme applicables dans les réserves en l’absence d’une législation fédérale pertinente.
Les peuples autochtones ont un droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, c’est-à-dire un droit qui découle de leurs propres systèmes de gouvernance et de leur occupation historique du territoire qui est maintenant le Canada. Le gouvernement du Canada reconnaît que le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale est un droit ancestral existant au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. En vertu d’ententes négociées sur l’autonomie gouvernementale, les communautés autochtones gèrent leurs affaires internes et se voient conférer, dans certains cas, le pouvoir décisionnel à l’égard de la prestation des services et programmes dans des domaines comme la langue et la culture. L’Approche du gouvernement du Canada concernant la mise en œuvre du droit inhérent des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale et la négociation de cette autonomie (la Politique sur le droit inhérent) a été lancée en 1995 dans le but de guider les négociations entre le gouvernement et les communautés autochtones 59. L’autonomie gouvernementale peut être négociée dans le cadre d’un traité moderne. Un tel traité est signé dans les cas où les traités ou d’autres mécanismes antérieurs à 1975 n’ont pas permis de régler la question des revendications territoriales des peuples autochtones. Les traités modernes sont des ententes protégées par la Constitution et négociées entre les gouvernements fédéral et provinciaux ou territoriaux et les groupes autochtones. Il peut également s’agir d’ententes autonomes ou d’ententes négociées visant un domaine en particulier, comme l’éducation 60. À l’échelle du Canada actuellement, 25 ententes sur l’autonomie gouvernementale ont été conclues avec 43 communautés autochtones. Deux ententes sur l’autonomie gouvernementale en matière d’éducation ont également été conclues avec 35 communautés autochtones 61. On compte en ce moment quelque 50 tables de négociation sur l’autonomie gouvernementale au Canada. Toutes ces tables se trouvent à différentes étapes du processus de négociation et, dans plusieurs des cas, les négociations portent aussi sur les traités modernes 62.
Des questions étroitement liées à l’autonomie gouvernementale, telles que les compétences à l’égard des terres et des peuples, et la réglementation des activités traditionnelles, sont également apparues dans la jurisprudence 63. Les tribunaux ont adopté une approche graduelle pour élargir les pouvoirs de légiférer et les compétences grâce à l’application des droits des Autochtones.
La compétence législative en matière de santé ne fait pas l’objet d’une disposition spécifique dans la Loi constitutionnelle de 1867 et a dû être associée à d’autres domaines de compétence. Ainsi, en 1982, la Cour suprême du Canada a qualifié la santé de « sujet indéterminé » qui peut faire l’objet à la fois de lois fédérales et de lois provinciales 64. Plus récemment, la Cour a réitéré cet état de fait dans l’arrêt Carter c. Canada (Procureur général), indiquant que la santé constituait un « domaine de compétence concurrente », et que, de ce fait, les deux ordres de gouvernement peuvent légiférer à cet égard, en fonction du caractère et de l’objet du texte législatif 65.
En outre, les provinces exercent un pouvoir très vaste en matière de santé en vertu de plusieurs dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867, notamment du paragraphe 92(7), qui prévoit l’exercice exclusif par les provinces de la compétence sur l’établissement, l’entretien et l’administration des hôpitaux, des asiles, des institutions et hospices de charité sur leur territoire. Il est par ailleurs entendu que la formation et l’accréditation des médecins et autres professionnels de la santé relèvent des provinces. Ce pouvoir permet également aux provinces de légiférer à l’égard des assurances en matière de santé, ou encore de la santé et la sécurité au travail, sauf en ce qui a trait aux milieux de travail assujettis à la réglementation fédérale 66.
Quant au Parlement du Canada, sa compétence exclusive en matière de santé se limite à « [l]a quarantaine et l’établissement et maintien des hôpitaux de marine » en vertu du paragraphe 91(11) de la Loi constitutionnelle de 1867. En revanche, la plupart des lois fédérales touchant à la santé sont plutôt associées à la compétence fédérale en matière criminelle et à son pouvoir de dépenser. La Loi canadienne sur la santé, qui concerne le financement fédéral de certains services de santé selon des conditions et critères que doivent respecter les lois provinciales pour recevoir un financement intégral dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé, a d’ailleurs été adoptée en vertu du pouvoir du Parlement de dépenser. À noter que l’usage de ce pouvoir demeure controversé aux yeux de certains constitutionnalistes 67.
La compétence fédérale en matière criminelle permet également au Parlement du Canada de légiférer afin d’interdire des conduites et des produits potentiellement dangereux pour la santé publique, comme la consommation de certaines drogues et substances. Ainsi, la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur le cannabis ou encore la Loi sur le tabac et les produits de vapotage ont été adoptées en vertu de ce pouvoir. De plus, le pouvoir du Parlement du Canada à l’égard des « brevets d’invention et de découverte », qui lui est conféré en vertu du paragraphe 91(22) de la Loi constitutionnelle de 1867, lui permet de réglementer les brevets dans le domaine pharmaceutique, et a « été conservé afin d’élargir l’homologation obligatoire visant la production des médicaments brevetés de manière à améliorer l’accès en réduisant les prix à un niveau concurrentiel 68 ».
Finalement, la compétence du Parlement fédéral d’adopter des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement lui permettrait de légiférer en matière de santé dans des situations d’urgence ou lorsqu’il s’agit d’une question d’importance nationale 69.
Tout comme c’est le cas pour la santé, la compétence législative en matière de droit de la famille n’a pas été attribuée exclusivement au Parlement du Canada ou aux assemblées législatives des provinces. En effet, des aspects du droit de la famille sont classés sous l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, tandis que d’autres sont classés sous l’article 92 de la même loi. Ainsi, le paragraphe 91(26) attribue au Parlement du Canada la compétence exclusive en matière de mariage et de divorce, tandis que la compétence exclusive en matière de célébration du mariage relève de la compétence des assemblées législatives provinciales en vertu du paragraphe 92(12). Il convient donc de s’en remettre au caractère véritable d’une loi afin de déterminer si elle relève de la compétence d’un ordre de gouvernement ou de celle de l’autre.
D’aucuns peuvent s’interroger sur la différence entre le « mariage » et la « célébration du mariage ». Cette différence réside dans le fait que le pouvoir du Parlement du Canada à l’égard du mariage porte sur les conditions de fond de celui‑ci, tel que la capacité de se marier, tandis que le pouvoir des assemblées législatives des provinces entourant la célébration du mariage porte plutôt sur des critères relatifs au déroulement de la cérémonie, à la capacité du célébrant, à la nécessité de consentement parental dans le cas de mineurs et à la nécessité d’enregistrement 70.
Par ailleurs, la compétence des assemblées législatives des provinces à l’égard de la propriété et des droits civils ainsi que des matières de nature privée confère d’importants pouvoirs aux provinces en droit de la famille. Au nombre de ces pouvoirs, mentionnons ceux relatifs à la séparation des couples mariés ou en union de fait, à la répartition des biens, à l’adoption, au placement en famille d’accueil, aux services de protection de l’enfance, aux pensions alimentaires, aux arrangements parentaux et à l’effet du mariage sur la situation patrimoniale des conjoints 71.
Cependant, lorsque ces aspects sont directement associés au divorce, le Parlement du Canada est lui aussi en mesure de légiférer sur les pensions alimentaires et les ordonnances parentales lorsque celles-ci sont accessoires à sa compétence sur le divorce, comme la Cour suprême du Canada l’a confirmé dans plusieurs arrêts 72.
La compétence du Parlement du Canada en matière de « réglementation du trafic et du commerce » est prévue au paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867. Bien que cette compétence, dont la portée peut sembler vaste à première vue, relève exclusivement du Parlement du Canada, les assemblées législatives des provinces ont, en vertu du paragraphe 92(11) de Loi constitutionnelle de 1867, la compétence exclusive en matière de commerce intraprovincial. Les tribunaux ont conséquemment restreint la compétence du Parlement du Canada à deux catégories d’application.
En premier lieu, la compétence du Parlement du Canada en matière de commerce lui permet de légiférer sur le commerce interprovincial et international 73. En second lieu, le Parlement du Canada a une compétence dite « générale » en matière de commerce et peut ainsi légiférer sur des enjeux commerciaux qui concernent l’ensemble du pays 74.
Alors que la première catégorie d’application fait référence à des limitations géographiques claires, les limites associées à la seconde sont plus difficiles à tracer. La Cour suprême du Canada a donc énuméré cinq critères qu’une loi doit respecter pour être qualifiée comme relevant de la compétence générale du Parlement du Canada en matière de commerce 75. Ainsi, une loi du Parlement sera jugée constitutionnelle si :
Ces critères, qui ne constituent pas une liste exhaustive des éléments à prendre en considération, doivent être appréciés au cas par cas. De plus, la présence ou l’absence de l’un ou de plusieurs de ces critères ne permet pas à elle seule de conclure ou non à la validité d’une loi fédérale en matière de commerce 77. La Cour suprême, dans une affaire récente dans laquelle elle a appliqué le cadre décrit ci-dessus, a confirmé la constitutionnalité d’un système créatif de coopération entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux en matière de réglementation des valeurs mobilières 78.
En vertu du paragraphe 91(15) de la Loi constitutionnelle de 1867, le Parlement du Canada a compétence pour faire des lois sur les banques, l’incorporation des banques et l’émission du papier-monnaie. Le Parlement du Canada a notamment exercé ce pouvoir en adoptant la Loi sur les banques. La compétence exclusive du Parlement fédéral pour légiférer à l’égard des « caisses d’épargne » est quant à elle prévue au paragraphe 91(16).
En outre, dans l’arrêt Canadian Pioneer Management Ltd. et autres c. Conseil des relations du travail de la Saskatchewan et autres, la Cour suprême du Canada a indiqué que la détermination de ce qui constitue une banque doit se fonder sur la définition utilisée dans la législation fédérale, et non sur les opérations courantes d’une institution 79. Ainsi, bien qu’elles mènent des activités similaires à celles des banques, les caisses populaires, les compagnies fiduciaires et les coopératives de crédit ne sont pas régies par le gouvernement fédéral. Toutefois, en 2012, une loi a été adoptée dans le cadre de la Loi sur les banques, une loi fédérale, pour permettre la création de coopératives de crédit fédérales 80, ouvrant ainsi la voie à la conversion des coopératives de crédit à une charte fédérale, tout en demeurant la propriété de leurs membres et en fonctionnant selon le principe coopératif.
Malgré cette compétence exclusive du Parlement du Canada, certaines lois provinciales validement adoptées en vertu d’un pouvoir conféré aux législatures provinciales peuvent s’appliquer aux banques, dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux lois fédérales en la matière. Par exemple, dans l’arrêt Banque de Montréal c. Marcotte 81, la Cour suprême du Canada a conclu que certaines dispositions de la Loi sur la protection du consommateur du Québec s’appliquent aux banques puisqu’elles n’entravent pas l’exercice de la compétence du Parlement du Canada ou n’y portent pas une atteinte importante 82. Cette décision charnière établit que, dans le cadre de leurs activités, les banques doivent tenir compte des lois provinciales et fédérales sur la protection des consommateurs, qui continueront d’être au centre des intérêts des institutions financières relevant de la compétence fédérale au moment où ces institutions tentent de déterminer la portée des lois provinciales qui pourraient s’appliquer à elles.
Bien que sa portée soit vaste, la compétence législative à l’égard du travail est une autre compétence qui ne fait pas l’objet d’une mention spécifique dans la Loi constitutionnelle de 1867. Le pouvoir de légiférer sur les relations de travail découle la plupart du temps du pouvoir exclusif des provinces à l’égard de la propriété et des droits civils prévu au paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 83.
Cependant, le Parlement du Canada a le pouvoir de légiférer sur les relations de travail dans les secteurs d’activité qui relèvent de sa compétence. Cela explique l’existence et l’applicabilité de plusieurs lois fédérales sur le travail, dont la plus importante demeure le Code canadien du travail.
Les entreprises et employeurs tombant sous l’égide de la compétence fédérale en matière de travail et d’emploi comprennent notamment les banques, les entreprises de transport maritime et aérien, les entreprises de radiodiffusion et de télédiffusion, la plupart des sociétés d’État fédérales, ou encore les entreprises privées qui sont nécessaires à l’application d’une loi fédérale 84. Le gouvernement fédéral a également compétence pour réglementer les relations de travail dans les ministères et autres organismes du gouvernement fédéral 85.
Dans les cas où le lien avec l’entreprise sous réglementation fédérale n’est pas clair, le Parlement du Canada n’a compétence en matière de travail que s’il est établi que le travail exécuté par la main-d’œuvre fait partie intégrante de l’entreprise relevant de la compétence fédérale 86.
En ce qui concerne les atteintes aux droits de la personne, le Parlement du Canada et différentes législatures provinciales et territoriales ont adopté des lois sur les droits de la personne et mis en place des organismes responsables de leur application. Les employés assujettis à la réglementation fédérale peuvent déposer leurs plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne qui travaille en collaboration avec un tribunal pour mener une enquête au sujet des cas non résolus ou les questions d’intérêt public relatives aux atteintes aux droits de la personne. Toutes les provinces et tous les territoires canadiens disposent de leur propre organisme de défense des droits de la personne et de leur propre cadre de lutte contre la discrimination qui s’appliquent aux activités assujetties à la réglementation provinciale. Les provinces et territoires du Canada n’offrent pas nécessairement les mêmes protections en matière de droits de la personne 87.
La première partie de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 se lit comme suit : « Dans chaque province, la législature pourra exclusivement décréter des lois relatives à l’éducation ». En vertu des lois fédérales qui les ont créés, les trois territoires disposent désormais de pouvoirs délégués comparables. L’article 93 enchâsse également le financement public des écoles séparées pour les protestants et les catholiques. De nombreuses provinces ont depuis renégocié leurs relations avec les écoles séparées. L’Alberta, l’Ontario et la Saskatchewan assurent toujours le financement public des écoles catholiques.
Le gouvernement fédéral fournit un soutien financier aux programmes d’études postsecondaires et à l’enseignement des langues officielles du Canada. L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit, dans toutes les provinces canadiennes, le droit à l’instruction en français ou en anglais aux enfants issus de communautés francophones et anglophones en situation minoritaire 88. En outre, les compétences à l’égard de l’éducation relèvent du gouvernement fédéral dans au moins trois domaines. Le premier concerne l’éducation des militaires et de leurs enfants, conformément au paragraphe 91(7), qui englobe « [l]a milice, le service militaire et le service naval, et la défense du pays ». Ensuite, Service correctionnel du Canada est responsable de l’éducation, allant de l’éducation de base jusqu’au niveau postsecondaire, dans les pénitenciers fédéraux. Enfin, la Loi sur les Indiens comporte des dispositions relatives à l’éducation qui définissent les pouvoirs et les responsabilités du ministre fédéral des Services aux Autochtones en matière d’éducation 89. Bien que le système d’éducation du Canada soit fortement décentralisé, les ministres provinciaux et territoriaux de l’Éducation ont formé le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) en 1967 pour mettre en place une tribune afin de discuter de questions d’intérêt mutuel, d’entreprendre en collaboration des initiatives en matière d’éducation et de faire valoir des intérêts locaux particuliers auprès des organismes d’éducation nationale, du gouvernement fédéral, de gouvernements étrangers et d’organisations internationales 90.
Certaines compétences législatives ont été qualifiées de concurrentes à l’issue d’une interprétation par les tribunaux, mais le législateur a également prévu, dans la Loi constitutionnelle de 1867, certaines compétences expressément concurrentes. En effet, les articles 94A et 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 énoncent ces compétences partagées, à savoir l’immigration, l’agriculture ainsi que les pensions de vieillesse et les prestations additionnelles.
L’immigration est une compétence partagée en vertu de l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cette disposition législative prévoit de façon expresse la prépondérance fédérale en cas d’incompatibilité. La compétence fédérale en la matière a notamment été exercée avec l’adoption de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui, entre autres choses,
détermine de manière générale qui peut être admis au Canada et pour quelles raisons, définit les recours qui s’offrent aux personnes qui ne sont pas autorisées à rester au pays et prévoit comment doit s’effectuer le renvoi de ces personnes, le cas échéant 91.
Les provinces et territoires ont un rôle à jouer quant à la sélection de certains immigrants en vertu d’accords sur les programmes des candidats des provinces 92. Ces accords permettent aux provinces et aux territoires de désigner des immigrants en tenant compte de critères de sélection établis en fonction d’intérêts régionaux. Le régime est différent au Québec. En effet, l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains délègue notamment au gouvernement du Québec la responsabilité en ce qui concerne la sélection des immigrants de la catégorie de l’immigration économique, de même que de l’accueil et l’intégration des résidents permanents 93.
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés définit les paramètres relatifs à la consultation entre le gouvernement fédéral et les provinces quant au nombre d’immigrants admis dans chaque catégorie, à leur répartition dans le pays en fonction des besoins régionaux, économiques et démographiques, et aux mesures à adopter pour faciliter leur intégration dans la société canadienne 94. Le gouvernement fédéral peut également consulter les provinces quant aux politiques et aux programmes d’immigration afin de tenir compte de leur incidence sur les provinces et de favoriser la coopération 95.
Il est à noter que si l’immigration est une compétence fondamentalement concurrente, il en va autrement de la compétence sur la « naturalisation et les aubains », qui relève du pouvoir législatif exclusif du Parlement du Canada en vertu du paragraphe 91(25) de la Loi constitutionnelle de 1867. Cette compétence exclusive fait en sorte que seul le Parlement fédéral est habileté à déterminer les conditions qu’un étranger doit respecter pour acquérir la citoyenneté canadienne 96. La principale loi fédérale adoptée dans ce domaine est la Loi sur la citoyenneté.
L’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit également que l’agriculture est une compétence concurrente du Parlement du Canada et des assemblées législatives des provinces, et que les lois fédérales priment en cas d’incompatibilité. Le pouvoir législatif du Parlement du Canada à l’égard de certains secteurs relatifs à l’agriculture découle également d’autres domaines de compétence, notamment de la compétence sur les matières criminelles, qui permet l’adoption de lois dans le domaine de la sécurité alimentaire, ou encore de la compétence à l’égard du trafic et du commerce, en vertu de laquelle le Parlement du Canada peut légiférer sur le commerce interprovincial des produits de l’agriculture 97.
Le terme agriculture décrit une réalité relativement vaste, et les tribunaux ont souvent été appelés à se pencher sur la question de savoir ce qui constitue une « loi relative à l’agriculture » pouvant être rattachée au domaine de compétence décrit à l’article 95. D’ailleurs, les tribunaux ont en général appliqué une interprétation assez restrictive de ce qui constitue une telle loi, ayant généralement exclu de l’application de l’article 95 les questions relatives à la commercialisation des produits agricoles 98.
Une gouvernance efficace du système alimentaire exige une cohérence et une coordination des politiques dans un éventail de secteurs tels que l’agriculture, le commerce, la santé publique, les finances, l’environnement et la pêche, ainsi qu’une communication entre le gouvernement fédéral, les provinces et, dans certains cas, les municipalités. Pour que le cadre agricole fonctionne, les gouvernements doivent travailler côte à côte, comme en font foi plusieurs exemples des dernières années 99.
Finalement, l’article 94A, qui est le résultat de modifications apportées à la Loi constitutionnelle de 1867 en 1951 et en 1964, prévoit une compétence concurrente relative aux pensions de vieillesse et aux prestations additionnelles 100. La création du Régime de pensions du Canada en 1965 découle d’ailleurs de la compétence fédérale à cet égard. Les provinces avaient le droit de rejeter le plan du gouvernement fédéral et d’établir leur propre régime de retraite fondé sur les cotisations, mais seul le Québec l’a fait 101.
Cet article constitue une exception au principe de la prépondérance fédérale, puisque les lois provinciales ont préséance en cas d’incompatibilité 102.
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