Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 2,9 millions de réfugiés attendent actuellement d’être réinstallés dans un tiers pays. Toujours selon le HCR, ces réfugiés ne peuvent ni retourner dans leur pays d’origine ni s’intégrer dans leur premier pays d’asile. Un total de 158 700 réfugiés ont été réinstallés dans le monde entier en 2023, avec ou sans l’aide du HCR. Le Canada figure parmi les pays les plus accueillants au monde en matière de réinstallation des réfugiés.
Les programmes de réinstallation du Canada offrent trois volets principaux dans le cadre desquels les réfugiés entrent au Canada :
Le PPPR est considéré comme une « voie complémentaire », car il s’agit d’une voie qui mène à la réinstallation de réfugiés dans un tiers pays. Ce programme a permis la réinstallation d’un grand nombre de réfugiés et, par conséquent, le gouvernement du Canada a noué un partenariat avec le HCR et d’autres organisations dans le cadre de l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés (IMPR). L’IMPR est un projet international qui vise le partage de pratiques exemplaires avec les gouvernements d’autres pays qui souhaitent mettre en œuvre un modèle de parrainage privé de réfugiés. Depuis le lancement de cette initiative à la fin de 2016, différentes variantes de parrainage communautaire ont vu le jour partout dans le monde.
Parmi les autres voies complémentaires, on compte le Programme d’étudiants réfugiés offert dans le cadre d’Entraide universitaire mondiale du Canada, qui combine la réinstallation avec des programmes d’étudiants étrangers dans des universités, des collèges et des cégeps canadiens. En outre, le Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique permet d’accueillir des réfugiés qualifiés au Canada dans le cadre d’un volet d’immigration économique.
La priorité accordée par le gouvernement fédéral à la réinstallation des membres des groupes spéciaux comme les femmes en péril, les défenseurs des droits de la personne et les personnes LGBTQI+ (c.-à-d. les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, intersexuelles ou ayant d’autres identités sexuelles ou de genre) ne date pas d’hier. Parmi les autres groupes prioritaires ciblés dans le cadre d’initiatives spéciales du gouvernement en matière de réinstallation au cours des dernières années figurent les réfugiés afghans en 2021 et les réfugiés soudanais fuyant la guerre civile en 2023.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime que plus de 2,9 millions de réfugiés ont actuellement besoin d’être réinstallés dans un tiers pays 1. Selon le HCR, ces réfugiés ne peuvent ni retourner dans leur pays d’origine ni s’intégrer dans leur premier pays d’asile. La communauté internationale a réinstallé 158 700 réfugiés en 2023, avec ou sans l’aide du HCR 2.
En 2023, le Canada a aidé 51 081 réfugiés à se réinstaller, arrivant au second rang après les États-Unis, qui en ont réinstallé 75 100 3. Chaque année, le Canada accueille une partie de ses nouveaux résidents permanents à titre de réfugiés réinstallés depuis l’étranger. Au cours de la dernière décennie, cette partie a représenté aussi peu que 5 % (en 2014 et en 2020) et s’est élevée jusqu’à 10,8 % (en 2023). Entre 2025 et 2027, il est actuellement prévu que les niveaux de réinstallation des réfugiés demeurent semblables à ceux de 2023, mais leur nombre total baissera légèrement chaque année 4.
Depuis 2017, la plupart des réfugiés réinstallés au Canada arrivent en vertu d’un parrainage privé plutôt que comme réfugiés pris en charge par le gouvernement. En raison de la réussite du programme de parrainage privé, le gouvernement du Canada, en partenariat avec le HCR et d’autres organisations, dirige l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés (IMPR), un projet international qui vise le partage de pratiques exemplaires avec les gouvernements d’autres pays qui souhaitent mettre en œuvre un modèle de parrainage privé de réfugiés.
La politique d’immigration du Canada s’articule autour de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés 5, selon laquelle le programme du Canada pour les réfugiés vise principalement à sauver des vies en offrant une protection aux personnes qui en ont besoin et en participant à l’effort international pour aider les personnes qui doivent être réinstallées. Depuis 2018, le Canada participe activement à des initiatives liées au Pacte mondial sur les réfugiés (PMR) 6 de l’Organisation des Nations Unies (ONU), favorisant ainsi l’atteinte de ses objectifs d’allégement du fardeau qui pèse sur les pays hôtes des réfugiés et de promotion des solutions pour les réfugiés dans des pays tiers. En plus de la réinstallation, le Canada doit s’acquitter de ses obligations internationales à l’égard des personnes venues au Canada de leur propre chef et qui ont besoin de protection (les demandeurs d’asile) 7.
La présente Étude de la Colline donne un aperçu des programmes du Canada en matière de réinstallation des réfugiés et décrit les critères d’admissibilité à la réinstallation et les différents programmes de réinstallation en vigueur au pays. On y aborde également le rôle que la réinstallation joue dans les accords internationaux comme le PMR ainsi que le rôle du Canada dans l’IMPR. L’étude se conclut par une réflexion sur certains défis que pose l’accueil des réfugiés au Canada.
Pour être admissible à la réinstallation au Canada, un réfugié doit être recommandé par le HCR, un autre organisme désigné de recommandation ou un groupe privé de répondants. Les personnes recommandées peuvent appartenir à deux catégories, soit celle des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières (réfugiés au sens de la Convention), soit celle des personnes de pays d’accueil. Les réfugiés au sens de la Convention répondent aux critères énoncés dans la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 de l’ONU et dans son protocole de 1967, c’est-à-dire qu’ils doivent craindre avec raison d’être persécutés du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou de leurs opinions politiques. Ils doivent également se trouver à l’extérieur du pays dont ils ont la nationalité ou dans lequel ils avaient leur résidence habituelle et ne pas être en mesure de se réclamer de la protection de ce pays.
Les réfugiés de la catégorie des personnes de pays d’accueil sont ceux pour qui, selon le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, « une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne […] ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles » et qui « se trouve[nt] hors de tout pays dont il[s] [ont] la nationalité et [dans lequel ils ont leur] résidence habituelle » 8. Ce règlement précise également que le demandeur ne doit pas attendre de solution durable dans un délai raisonnable dans un pays autre que le Canada 9. Enfin, le demandeur doit remplir les critères d’admissibilité liés à la sécurité et aux antécédents criminels, se soumettre ensuite à un examen médical qui repose sur des critères d’intérêt public permettant de détecter tout problème de santé susceptible de présenter un risque pour la santé ou la sécurité publique du Canada 10.
Les agents des visas d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) en poste dans les bureaux à l’étranger sont généralement chargés de déterminer si une personne donnée est admissible à la réinstallation et si elle peut être admise au Canada. Il arrive que des organismes de recommandation désignés (principalement le HCR) recommandent à IRCC le cas de certains réfugiés, tandis que d’autres réfugiés font l’objet d’une recommandation de la part de répondants du secteur privé. Les demandes sont traitées au cas par cas, sauf lorsqu’un afflux massif de réfugiés (p. ex. en raison d’un conflit ou d’un climat de violence généralisée) amène les responsables du HCR à déclarer qu’il s’agit d’un groupe de réfugiés prima facie 11. Par exemple, les Syriens qui ont fui la guerre civile dans leur pays et qui ont été réinstallés au Canada en 2015 sont considérés comme des réfugiés prima facie.
Au Canada, les réfugiés sont réinstallés dans le cadre de l’un des programmes suivants :
Conformément à l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains 15, le gouvernement du Québec sélectionne des réfugiés à partir du bassin des personnes dont la réinstallation a été approuvée par IRCC, et il administre son propre programme de parrainage privé.
En 2017, IRCC a commencé à élaborer un plan pluriannuel des niveaux d’immigration, ce qui permet aux personnes qui travaillent avec les nouveaux arrivants de planifier au-delà d’un an. Le plan actuel prévoit une baisse de l’ensemble des niveaux d’immigration entre 2025 et 2027, et une diminution correspondante du nombre de réfugiés réinstallés. Alors qu’il est prévu que le nombre de réinstallations demeure constant dans le cadre des programmes des RPG et des RDBV, celui du PPPR diminuera de 1 000 chaque année 16.
Le gouvernement fédéral a l’entière responsabilité des réfugiés qui arrivent au Canada dans le cadre du Programme des RPG. Le Programme d’aide à la réinstallation (PAR) d’IRCC fournit une aide à l’établissement aux réfugiés pris en charge par le gouvernement, et ce, au moyen d’un réseau d’organismes de fournisseurs de services. Cette aide comprend entre autres ce qui suit :
Le PAR peut aussi fournir aux réfugiés admissibles un soutien du revenu pour couvrir les frais initiaux et les frais courants, en général pour la première année passée au Canada 17.
Certains réfugiés choisis par le gouvernement aux fins de leur réinstallation ont besoin d’une aide spéciale, de sorte que le gouvernement collabore avec des répondants du secteur privé dans le cadre du PAC pour répondre aux besoins de ces réfugiés pendant une plus longue période d’établissement. Un réfugié peut être admissible au PAC pour différentes raisons, notamment les suivantes :
Le PPPR est un programme de réinstallation unique, puisque les répondants peuvent eux-mêmes recommander à IRCC des réfugiés aux fins de leur réinstallation. Les répondants assument la totalité des coûts financiers pendant la période de réinstallation initiale de 12 mois.
Dans le cadre du PPPR, les répondants du secteur privé fournissent un soutien initial pour l’établissement semblable à celui offert dans le cadre du PAR, ainsi qu’un soutien affectif et social. En 2023, le coût estimatif pour le parrainage d’une personne seule s’élevait à 16 500 $, tandis que le parrainage d’une famille de six personnes était évalué à 35 500 $ 18. Ces estimations n’ont pas changé depuis mai 2018 19. Comme le PPPR a recours à des ressources du secteur privé, il permet aux réfugiés de se réinstaller au Canada sans entraîner une augmentation considérable des coûts pour le gouvernement.
Les répondants du secteur privé dans le cadre du PPPR comprennent les groupes suivants :
Bien que le nombre de réfugiés réinstallés ait chuté considérablement au début de la pandémie de COVID-19, il a ensuite augmenté rapidement au cours des années suivantes, à la fois pour les réfugiés pris en charge par le gouvernement et pour ceux parrainés par le secteur privé, comme l’indique la figure 1. Si l’on examine les niveaux d’immigration prévus entre 2025 et 2027 (illustrés par les lignes en pointillé dans le graphique), on constate globalement moins d’arrivées dans le cadre du Programme des RPG et du PPPR et la fin, après une augmentation marquée, des arrivées dans le cadre du PPPR, qui s’explique par le fait que la « demande à l’égard du [p]rogramme […] dépasse depuis longtemps le nombre de places annuelles [d’admission], ce qui se traduit par un lourd arriéré et de longs délais de traitement 21 ». L’annonce du gouvernement fédéral en novembre 2024 d’une pause temporaire (jusqu’au 31 décembre 2025) des nouvelles demandes présentées par des groupes de cinq et des répondants communautaires dans le cadre du PPPR est à l’origine de cette tendance 22. Cette question est abordée de manière plus détaillée à la section 6.2 de cette étude (« Défis actuels »).
Figure 1 – Nouveaux résidents permanents admis dans le cadre du Programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement et du Programme de parrainage privé de réfugiés, 2017-2023, et cibles du plan des niveaux d’immigration, 2025-2027
Note : Au moment de la rédaction de la présente étude, aucune donnée n’était disponible pour 2024.
Sources : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), « Tableau 4 : Nouveaux résidents permanents admis en 2017 », Rapport annuel au Parlement sur l’immigration 2018 (3.5 Mb, 45 pages), 2018, p. 40; IRCC, « Tableau 4 : Résidents permanents admis en 2018 », Rapport annuel au Parlement sur l’immigration 2019
(1,9 Mb, 44 pages), 2020, p. 38; IRCC, « Tableau 4 – Résidents permanents admis en 2019 », Rapport annuel au Parlement sur l’immigration, 2020; IRCC, « Tableau 4 : Résidents permanents admis en 2020 », Rapport annuel au Parlement sur l’immigration, 2021; IRCC, « Tableau 4 : Résidents permanents admis en 2021 », Rapport annuel au Parlement sur l’immigration, 2022; IRCC, « Tableau 4 : Résidents permanents admis en 2022 », Rapport annuel au Parlement sur l’immigration, 2023; IRCC, « Tableau 3 : Résidents permanents admis en 2023 », Rapport annuel au Parlement sur l’immigration, 2024; et Gouvernement du Canada, « Résidents permanents », Avis – Renseignements supplémentaires sur le Plan des niveaux d’immigration
2025-2027, 24 octobre 2024.
Certains critiques du PPPR ont exprimé des préoccupations selon lesquelles ce programme permettait au gouvernement fédéral de transférer au secteur privé sa responsabilité à l’égard des réfugiés internationaux et de privatiser ainsi la réinstallation 23. Ces préoccupations découlent en partie de la façon dont les réfugiés sont choisis pour chaque programme : ceux qui participent au Programme des RPG ont fait l’objet d’une recommandation de la part du HCR en raison de leur vulnérabilité, tandis que ceux qui participent au PPPR ont dans bien des cas été choisis en raison de leurs liens existants avec la société canadienne, les citoyens canadiens et des résidents permanents du pays 24. D’autres soulignent que le programme sert souvent à réunir des familles plutôt qu’à aider les personnes qui en ont le plus besoin, et qu’une telle situation entraîne la mise en doute de l’objectif humanitaire du programme canadien d’aide à la réinstallation 25.
Le Programme mixte des RDBV s’appuie sur un partenariat qui a commencé en 2013 entre IRCC, les organismes de recommandations des réfugiés 26 et les répondants du secteur privé (signataires d’entente de parrainage, groupes de cinq et répondants communautaires) et qui était envisagé au départ comme une mesure de partage des coûts. Ce programme permet de jumeler des répondants du secteur privé avec des réfugiés qu’un organisme a déjà recommandés à IRCC et dont la réinstallation a été approuvée. Les réfugiés recommandés par des groupes de cinq ou des répondants communautaires doivent présenter des documents selon lesquels le HCR ou un gouvernement étranger a reconnu leur statut de réfugié 27. Le gouvernement et les répondants du secteur privé se partagent les frais de parrainage. Le PAR fournit une aide financière pendant les six premiers mois, tandis que les répondants du secteur privé assument les frais initiaux et offrent un soutien financier pendant six mois de plus. L’aide à l’établissement relève entièrement des répondants du secteur privé. Le Programme mixte des RDBV représente une minorité des réfugiés réinstallés au Canada, avec des cibles fixées à 100 réfugiés par année pour 2025-2027 28. Cette tendance à la baisse s’est poursuivie, puisque de moins en moins de personnes arrivent au Canada par l’entremise du Programme mixte des RDBV depuis 2016, lorsque 4 420 personnes y étaient entrées 29.
Une évaluation gouvernementale du Programme mixte des RDBV a fait ressortir plusieurs problèmes, notamment la faible participation au programme et un rapport coûts-bénéfices incertain 30.
Le tableau 1 résume les principales différences entre les divers programmes de réinstallation.
Programme | Recommandé à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada par | Source du financement | Durée de l’aide au financement | Aide à l’établissement fournie par | Niveaux d’admission prévus en 2025 |
---|---|---|---|---|---|
Programme des réfugiés pris en charge par le gouvernement (Programme des RPG) | Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et autres partenaires de recommandation désignés | Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), au moyen du Programme d’aide à la réinstallation (PAR) | 12 mois | IRCC, au moyen du PAR | 15 250 |
Programme d’aide conjointe en vertu du Programme des RPG | HCR et autres partenaires de recommandation désignés | IRCC, au moyen du PAR | 24 mois | Répondants du secteur privé | s.o. |
Programme de parrainage privé de réfugiés | Répondants du secteur privé | Répondants du secteur privé | 12 mois | Répondants du secteur privé | 23 000 |
Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas | HCR et autres partenaires de recommandation désignés | IRCC et répondants du secteur privé conjointement; les répondants assument les frais initiaux | 6 mois – IRCC; 6 mois –répondants du secteur privé | Répondants du secteur privé | 100 |
Sources: Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir d’informations tirées de Gouvernement du Canada, Programme des réfugiés parrainés par le gouvernement; Gouvernement du Canada, Programme d’aide conjointe; Gouvernement du Canada, Comment parrainer un réfugié; Gouvernement du Canada, Partenaires dans la réinstallation des réfugiés : Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas; et Gouvernement du Canada, « Résidents permanents », Avis – Renseignements supplémentaires sur le Plan des niveaux d’immigration 2025-2027, 24 octobre 2024.
Au cours des dernières décennies, la migration internationale a connu une hausse importante. Cette réalité a incité la communauté internationale à concevoir des mécanismes de coopération pour gérer et protéger les mouvements de migration. Il en a résulté le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières 32 et le Pacte mondial sur les réfugiés (PMR). Les deux pactes mondiaux s’appuient sur les Objectifs de développement durable de l’ONU 33 et la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, publiée en 2016. Cette déclaration énonçait un ensemble initial d’engagements volontaires que les États membres de l’ONU ont adopté pour renforcer et améliorer les mécanismes de protection des réfugiés et des migrants, et pour s’engager à soutenir les pays hôtes. Bien qu’ils ne soient pas contraignants, les pactes mondiaux offrent des incitatifs pour obtenir la participation des États.
Le PMR s’articule autour de quatre objectifs principaux :
Sur le plan des priorités internationales du Canada, le PMR offre un moyen de continuer de défendre l’égalité entre les sexes ainsi que l’autonomisation des femmes et des filles 34. Il permet également de renforcer la sécurité collective en préservant un ordre fondé sur des règles et respectueux des droits de la personne.
En tant que chef de file mondial en matière de politiques relatives aux réfugiés, le Canada joue également un rôle de premier plan dans la promotion des pactes mondiaux, ce qui lui permet de jouir d’une certaine reconnaissance et d’une certaine influence à l’échelle internationale. Cependant, selon certains experts, après avoir signé les pactes mondiaux, en 2018, le Canada les a utilisés afin de faire avancer ses propres intérêts en matière de politique étrangère 35. Ces voix critiques font en effet remarquer que peu ou pas de changements ont été apportés aux lois, aux politiques ou aux programmes du Canada qui permettent de les aligner plus étroitement avec les préceptes des pactes mondiaux.
La réinstallation de réfugiés au Canada comprend à la fois des programmes de réinstallation officiels et ce que l’on appelle des « voies complémentaires » qui offrent d’autres routes d’immigration réglementées pour les réfugiés vers un pays tiers. Le PPPR du Canada est une voie complémentaire qui a servi de modèle à d’autres pays qui l’ont depuis adopté dans l’esprit du PMR. D’autres moyens accessibles aux réfugiés comprennent l’admission dans une université canadienne à l’aide du parrainage par Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) et l’ouverture de voies d’immigration économique aux réfugiés.
L’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés (IMPR) réunit le gouvernement du Canada, le HCR, l’Université d’Ottawa, les Fondations pour une société ouverte, la Fondation Giustra et la Fondation Shapiro pour contribuer à accroître l’accès des réfugiés à des voies complémentaires vers des pays tiers en travaillant avec les gouvernements de ces pays pour leur permettre de concevoir leurs propres programmes de parrainage communautaire des réfugiés. Comme il est mentionné précédemment, le PPPR du Canada s’est révélé efficace dans le parrainage et l’intégration d’un grand nombre de réfugiés tout en maintenant au minimum les frais de parrainage pour le gouvernement.
L’IMPR vise les objectifs suivants :
Depuis le lancement de l’IMPR à la fin de l’année 2016, différentes variantes de parrainages communautaires ont vu le jour partout dans le monde. Des programmes ont été lancés en Allemagne, en Argentine, en Australie, en Belgique, en Espagne, aux États-Unis, en France, en Irlande, en Italie, en Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni ainsi qu’en Suède, et des programmes à court terme ont aussi vu le jour dans d’autres pays 36. Bien que le PPPR du Canada soit offert comme modèle dans le cadre de l’IMPR, l’approche de chaque pays est unique, et il existe des différences importantes entre tous les programmes.
Depuis 1978, le Programme d’étudiants réfugiés offert dans le cadre d’EUMC combine la réinstallation avec des programmes d’étudiants étrangers dans des universités, des collèges et des cégeps canadiens. EUMC est un signataire d’entente de parrainage officiel dans le cadre du PPPR et permet d’accueillir chaque année plus de 130 réfugiés à titre de résidents permanents qui viennent étudier au Canada. L’une des forces de ce programme est le moyen naturel d’intégration que la vie étudiante et sur le campus offre aux nouveaux réfugiés, avec le perfectionnement de leurs compétences linguistiques, les réseaux sociaux et les possibilités de travail intégrés à l’expérience étudiante 37.
Le Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique (PVAME) a vu le jour en avril 2018 sous la forme d’une étude de faisabilité, dont l’objectif était de réinstaller de 10 à 15 réfugiés qui remplissaient les critères des programmes d’immigration économique du Canada. Au fil des ans, ce programme est devenu une voie régulière d’accès permettant aux réfugiés qualifiés de venir au Canada et répondant à la fois aux besoins mondiaux de réinstallation des réfugiés et à ceux du marché du travail canadien. Le gouvernement a annoncé un élargissement du programme en 2022 et s’est engagé en 2023 à le rendre permanent d’ici 2025 38. Néanmoins, le PVAME n’a pas encore été rendu permanent et devrait arriver à échéance en juin 2025 39. Dans le Plan des niveaux d’immigration 2025-2027, IRCC prévoit une réduction des admissions dans le cadre de tous les programmes pilotes économiques fédéraux, y compris le PVAME, en 2026 et en 2027 40.
Le HCR recommande des réfugiés aux fins de leur réinstallation. Il s’agit de réfugiés dont on juge qu’ils sont à risque dans leur pays d’accueil, ou qui ont des besoins particuliers et sont vulnérables. Dans d’autres cas, un manque de solutions prévisibles pour des groupes d’une population entière peut entraîner leur recommandation collective par le HCR aux fins de leur réinstallation 41. Le HCR et la communauté internationale reconnaissent que les places de réinstallation devraient être réservées à la fois aux personnes qui vivent un conflit apparent urgent et à celles qui se trouvent dans une situation récurrente et qui sont déplacées depuis de nombreuses années.
Le gouvernement du Canada définit ses propres priorités en matière de réinstallation des réfugiés, en ciblant des groupes vulnérables et des populations de réfugiés précis. En effet, IRCC affirme que la priorité est accordée aux réfugiés en fonction de facteurs qui se recoupent largement avec ceux de l’analyse comparative entre les sexes Plus, notamment la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social particulier 42. Par exemple, les femmes réfugiées sont une priorité de longue date de la réinstallation, et ce, depuis 1988, alors qu’IRCC a lancé le programme Femmes en péril (qui a depuis été renommé Programme d’aide aux femmes en péril). Selon IRCC, le programme « offr[e] des possibilités de réinstallation aux femmes qui vivent dans des conditions précaires ou d’instabilité permanente à l’étranger 43 ». Les personnes admissibles peuvent présenter une demande au titre de tous les programmes de réinstallation. De plus, le gouvernement a accordé la priorité de la réinstallation aux réfugiés LGBTQI+ (personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, intersexuées et ayant d’autres identités sexuelles ou de genre). Depuis 2011, le Rainbow Refugee Assistance Partnership combine l’aide offerte par le gouvernement et par le secteur pour le parrainage des réfugiés qui fuient la persécution à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre 44. Ces réfugiés arrivent au Canada par l’intermédiaire du programme PPPR.
En 2021, le gouvernement du Canada a créé, dans le cadre du Programme des RPG, une catégorie réservée aux défenseurs des droits de la personne et aux membres de leur famille. Le nombre de places a doublé pour atteindre 500 en 2023, et Front Line Defenders et ProtectDefenders.eu ont été nommés comme organismes de recommandation désignés 45.
Au cours de la dernière décennie, le Programme des RPG a évolué considérablement, notamment en raison du nombre et du type de réfugiés qui se voient accorder la priorité aux fins de leur réinstallation. Dans ce nouveau contexte opérationnel, IRCC est de plus en plus appelé à mettre en œuvre des mesures d’immigration qui découlent d’une politique étrangère axée sur le soutien aux populations en situation de crise humanitaire 46. Par exemple, lorsque l’Afghanistan est tombé sous le contrôle des talibans, en 2021, le gouvernement du Canada a annoncé une mesure spéciale visant à réinstaller 20 000 Afghans, un objectif qui a ensuite été porté à 40 000 47. De même, après la reprise de la guerre civile au Soudan en 2023, le gouvernement s’est engagé à réinstaller 4 000 réfugiés dans le cadre du Programme des RPG et 700 dans le cadre du PPPR 48. Cependant, ces engagements d’ordre humanitaire peuvent exercer des pressions sur le programme actuel d’aide à la réinstallation.
Comme il est fait mention à la section 3.2 de la présente étude, le PPPR comporte certaines difficultés particulières, notamment sur le plan des priorités en matière de réinstallation. Les réfugiés parrainés sont sélectionnés par le secteur privé, souvent en fonction de facteurs comme la présence de membres de la famille au Canada ou de liens communautaires avec le Canada. Certains craignent que ce procédé privilégie des réfugiés d’une poignée de régions spécifiques de la planète au détriment de ceux d’autres régions qui ont également besoin d’être réinstallés 49.
Les programmes de réinstallation des réfugiés font face à des arriérés et à de longs délais de traitement. Les responsables d’IRCC ont indiqué le 31 janvier 2024 qu’il y avait 112 900 demandes dans les catégories du PPPR et du Programme des RPG dans leur inventaire, et que le temps de traitement moyen était de 41 mois et de 27 mois, respectivement 50. Les données fournies aux membres du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes en 2023 permettent de ventiler ces arriérés par programme : à la fin du mois d’octobre 2023, il y avait 25 640 demandes au titre du Programme des RPG en attente de traitement et 71 180 demandes au titre du PPPR 51. En raison de l’important arriéré accumulé auquel sont confrontés les employés chargés du PPPR, les délais de traitement se sont allongés, ce qui a poussé le gouvernement fédéral à suspendre temporairement les nouvelles demandes émanant des groupes de cinq et des répondants communautaires, du 29 novembre 2024 jusqu’à au moins la fin décembre 2025. Dans le cadre du PPPR et du Programme des RPG, des agents des visas doivent mener des entrevues en personne, des examens médicaux et une enquête de sécurité auprès des réfugiés recommandés, et ce processus peut être retardé davantage en raison des conditions de sécurité minimes dans le pays de résidence temporaire où se trouvent les réfugiés 52.
Au cours des dernières années, les réfugiés membres de la communauté LGBTQI+, entre autres, ont soulevé des préoccupations concernant certaines difficultés opérationnelles auxquelles se heurtent ceux qui se trouvent dans un pays d’asile dans lequel ils ne sont pas en mesure d’être reconnus en tant que réfugiés ou d’obtenir une protection. Cela peut s’expliquer par diverses raisons de nature politique ou culturelle. Dans le cas des personnes LGBTQI+, leur identité et leurs activités sont criminalisées dans de nombreux pays, ce qui entraîne des répercussions négatives sur leur capacité d’obtenir le statut de réfugié en qualité de personnes LGBTQI+ 53. Le personnel du HCR peut, dans la mesure du possible, déterminer le statut de réfugié et offrir la protection aux personnes qui en ont besoin, mais il ne peut garantir que les lois nationales du pays d’asile ne seront pas appliquées aux réfugiés LGBTQI+, même si elles contreviennent aux lois internationales sur les droits de la personne 54. Cela entraîne des répercussions négatives sur la capacité du réfugié d’être reconnu comme tel et de faire l’objet d’une recommandation à des fins de réinstallation.
Le gouvernement fédéral a considérablement réduit ses objectifs en matière d’immigration pour la période 2025-2027, en réaction directe aux préoccupations accrues soulevées par les citoyens canadiens au sujet du taux d’immigration actuel. En 2021 et 2022, les Canadiens ont accueilli un nombre record de nouveaux résidents permanents 55. Cependant, les sondages d’opinion réalisés par IRCC entre mars et novembre 2023 ont révélé que la proportion de Canadiens qui estimaient que les niveaux d’immigration étaient trop élevés avait grimpé de 13 points de pourcentage, et atteint son plus haut niveau des 20 dernières années 56. Près du tiers des Canadiens interrogés par les employés du Ministère au sujet du plan des niveaux pour 2024-2026 ont déclaré qu’il y avait trop de réfugiés, ce qui représente une augmentation significative par rapport aux années précédentes 57.
Le plan des niveaux pour 2025-2027 prévoit de réduire le nombre d’admissions dans le cadre du PPPR et de maintenir les niveaux des programmes des RPG et des RDBV. Les défenseurs des réfugiés critiquent sévèrement ce changement. Les responsables du Conseil canadien pour les réfugiés ont condamné le plan, dénonçant le temps que les réfugiés parrainés potentiels devront attendre lorsqu’ils présenteront une demande en vue de venir au Canada, et faisant remarquer que la cible du Programme des RPG était inférieure à celle des années précédentes, ce qui ne permettait pas de faire face sérieusement à la crise mondiale des réfugiés 58.
Le Canada réinstalle un très grand nombre de réfugiés chaque année, en grande partie à l’aide de son recours à des voies complémentaires efficaces et novatrices comme le PPPR. Alors que le nombre de réfugiés dans le monde ne cesse d’augmenter, et que les attitudes à l’égard de l’immigration au Canada évoluent, les programmes d’aide à la réinstallation du pays continueront de subir des pressions contraires. Pour s’acquitter de ses engagements humanitaires internationaux, le Canada devra compter de plus en plus sur des solutions créatives qui favorisent des voies complémentaires et chercher à mettre l’accent sur les contributions que les réfugiés peuvent apporter à leurs communautés d’accueil.
Comme l’explique le HCR,
[l]es situations d’afflux massif concernent souvent des groupes de personnes à qui l’on reconnaît la qualité de réfugié en tant que groupe, du fait des raisons visiblement apparentes et objectives qui les ont incitées à fuir […] L’impossibilité de procéder immédiatement à la détermination du statut de réfugié au cas par cas a mené au recours à la désignation ou à l’acceptation de groupes de réfugiés.
HCR, Handbook on Procedures and Criteria for Determining Refugee Status and Guidelines on International Protection Under the 1951 Convention and the 1967 Protocol Relating to the Status of Refugees, février 2019, p. 104 [traduction].
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