Les méfaits liés aux opioïdes ont atteint des proportions critiques dans bon nombre de pays, y compris au Canada. Entre janvier 2016 et mars 2021, près de 23 000 Canadiens sont décédés d’une intoxication apparemment liée à la consommation d’opioïdes. De nombreuses personnes se sont retrouvées en situation d’urgence médicale potentiellement mortelle ou ont subi d’autres méfaits. Ces méfaits sont liés à différentes causes, notamment les pratiques en matière de prescription d’opioïdes et la présence d’opioïdes très puissants comme le fentanyl et ses analogues dans les drogues offertes sur le marché. La pandémie de COVID‑19 a exacerbé la situation. La crise des opioïdes touche les Canadiens de tous les milieux, mais pas de manière égale : certains groupes, dont les hommes et les Autochtones, sont touchés de façon disproportionnée. En réponse à la crise, le gouvernement fédéral a fait des investissements et lancé différentes initiatives. Le Parlement s’est également attaqué au problème en adoptant des lois et en proposant d’autres mesures.
Les opioïdes sont des substances aux effets analgésiques contenant notamment des composés extraits de la graine de pavot à opium ainsi que des composés synthétiques et semi‑synthétiques aux propriétés analogues susceptibles d’interagir avec les récepteurs opioïdes du cerveau 1.
Les opioïdes se retrouvent dans des médicaments sur ordonnance homologués et dans des substances illicites (ou non pharmaceutiques). Au Canada, les opioïdes pharmaceutiques sont principalement prescrits pour soulager la douleur 2. Les médicaments opioïdes couramment prescrits sont notamment la codéine, l’oxycodone, l’hydromorphone, le fentanyl, la morphine et le tramadol 3.
La consommation d’opioïdes peut cependant être dommageable. En effet, les opioïdes peuvent causer des effets nocifs à long terme sur la santé des personnes qui en consomment, notamment des dommages au foie, une tolérance accrue (ce qui signifie qu’une dose supérieure est nécessaire pour obtenir les mêmes effets), l’aggravation de la douleur ou des symptômes de sevrage 4. Certaines personnes peuvent également faire un usage contre‑indiqué des opioïdes, par exemple, en utilisant un opioïde qui ne leur est pas prescrit ou en utilisant un médicament opioïde sur ordonnance sans respecter les directives du professionnel de la santé, ce qui peut accroître le risque d’effets nocifs 5. Pour certaines personnes, la consommation d’opioïdes peut se transformer en un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes. Comme d’autres troubles liés à l’usage d’une substance, le trouble lié à l’utilisation d’opioïdes est une affection médicale traitable, bien qu’il soit difficile pour de nombreuses personnes d’avoir accès à un traitement 6. Un surdosage d’opioïde peut causer des difficultés respiratoires, une perte de conscience ou même la mort 7. Au Canada et dans d’autres pays, les méfaits liés aux opioïdes ont atteint des proportions critiques 8.
La présente Étude de la Colline offre un aperçu de certains aspects médicaux de la crise des opioïdes au Canada. Elle comporte des statistiques clés et aborde différentes questions liées aux répercussions de la crise sur différents groupes, de même que des renseignements sur les récentes initiatives fédérales et activités du Parlement du Canada visant à répondre à la crise.
L’utilisation des opioïdes sur ordonnance a connu une forte croissance depuis les années 1980. L’augmentation de l’utilisation d’opioïdes sur ordonnance a été suivie d’une hausse des signalements des méfaits associés à cette utilisation d’opioïdes d’ordonnance et à un accroissement du taux de consommation d’opioïdes obtenus sans ordonnance. En 2016, huit décès par jour au Canada étaient attribuables à une intoxication aux opioïdes 9. Différentes données peuvent être utilisées pour mesurer l’ampleur de la crise des opioïdes. Les sections qui suivent présentent quelques statistiques nationales qui, bien qu’elles ne soient pas exhaustives, constituent un bon point de départ pour comprendre l’étendue et la nature de la crise des opioïdes au Canada.
Le Comité consultatif spécial sur l’épidémie de surdoses d’opioïdes fédéral–provincial-territorial publie des données sur certains des méfaits associés aux opioïdes, notamment les décès. De janvier 2016 à mars 2021, 22 828 personnes au Canada sont décédées en raison d’une intoxication apparemment liée aux opioïdes. Uniquement dans le premier trimestre de 2021, 1 772 Canadiens sont décédés d’une intoxication apparemment liée aux opioïdes 10.
Le nombre total de décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes au Canada croît avec le temps, comme l’indique la figure 1. En 2020, 6 306 personnes sont décédées en raison d’une intoxication apparemment liée aux opioïdes, ce qui représente 17 décès en moyenne par jour. De 2018 au premier trimestre de 2021, dans la moitié des cas, les décès attribuables à la consommation d’opioïdes impliquaient également la consommation d’un stimulant 11. Cependant, la tendance diffère selon qu’il s’agisse d’un décès accidentel apparemment lié à une intoxication aux opioïdes ou d’un décès intentionnel (suicide) apparemment lié à une intoxication aux opioïdes. Si le nombre de décès accidentels apparemment liés à une intoxication aux opioïdes a augmenté, le nombre de décès intentionnels apparemment liés à une intoxication aux opioïdes a diminué chaque année de 2017 à 2020 12.
Source : Gouvernement du Canada, « Graphiques : Nombre de décès totaux apparemment liés à une intoxication aux opioïdes, Canada, 2016 à 2021 (janv. à mars) », Méfaits associés aux opioïdes et aux stimulants au Canada (septembre 2021), Infobase de la santé publique, base de données, consultée le 19 octobre 2021.
Les décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes ne sont pas répartis de façon égale dans l’ensemble du pays. C’est l’Ouest canadien qui est la région la plus touchée depuis 2016, bien que le nombre de décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes ait également augmenté ailleurs au pays, notamment en Ontario. En 2020, comme le montre la figure 2, la Colombie‑Britannique, l’Alberta et la Saskatchewan présentaient les taux de décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes par 100 000 personnes les plus élevés, et 85 % de tous les décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes sont survenus en Colombie‑Britannique, en Alberta et en Ontario 13.
Enfin, la proportion de décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes impliquant la consommation de substances d’origine non pharmaceutique par rapport à ceux liés à la consommation de produits d’origine pharmaceutique a augmenté en 2020 comparativement aux deux années précédentes. En 2018 et en 2019, 66 % des décès étaient attribuables aux opioïdes d’origine non pharmaceutique. En 2020, la proportion de décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes d’origine non pharmaceutique atteignait 76 %, et 83 % dans le premier semestre de 2021 14.
Source : Gouvernement du Canada, « Cartes : Nombre et taux (par 100 000 personnes) total de décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes selon chaque province ou territoire, en 2020 », Méfaits associés aux opioïdes et aux stimulants au Canada (décembre 2021), Infobase de la santé publique, base de données, consultée le 1er décembre 2021 (sélectionnez l’année « 2020 » à partir du menu déroulant).
Il y a eu 27 604 hospitalisations pour intoxication aux opioïdes au Canada (à l’exclusion du Québec) entre janvier 2016 et le premier semestre de 2021 15, dont 5 240 cas en 2020, l’année où le nombre le plus élevé de cas a été rapporté depuis 2016 16. Si le nombre d’hospitalisations pour intoxication aux opioïdes était plus important que le nombre de décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes de 2016 à 2019, en 2020, il y a eu environ 1 000 décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes de plus qu’il n’y a eu d’hospitalisations 17.
Parmi les autres hospitalisations liées aux opioïdes (à l’exclusion du Québec), il y a eu 6 185 hospitalisations pour des réactions indésirables aux opioïdes d’ordonnance et 10 082 hospitalisations pour des troubles liés à la consommation d’opioïdes, d’avril 2018 à mars 2019 18.
Pendant la première année de la pandémie de COVID‑19 (d’avril 2020 à mars 2021), les services médicaux d’urgence ont dû intervenir près de 32 000 fois pour des surdoses présumées aux opioïdes, d’après les données disponibles de huit provinces et territoires, selon le Comité consultatif spécial sur l’épidémie de surdoses d’opioïdes 19. Dans de nombreuses régions du Canada, le nombre d’interventions des services médicaux d’urgence pour des surdoses présumées aux opioïdes chaque trimestre depuis le début de la pandémie a été plus élevé qu’au cours de tous les autres trimestres depuis que la surveillance nationale a été instaurée en 2017 20.
De 2016 à 2017, pour la première fois depuis des décennies, l’espérance de vie à la naissance au Canada n’a pas augmenté pour les hommes ou les femmes. Statistique Canada a établi que cette stagnation était en grande partie attribuable aux décès accidentels liés à une intoxication médicamenteuse chez les jeunes hommes (en particulier en Colombie‑Britannique et en Alberta, où l’espérance de vie a diminué), qui ont contré les avancées obtenues dans d’autres régions quant à l’espérance de vie. Les décès accidentels liés à une intoxication aux opioïdes ont provoqué une diminution de 0,11 année (40 jours) de l’espérance de vie chez les hommes 21.
De 2017 à 2018, l’espérance de vie à la naissance des femmes est passée de 84,0 à 84,1 ans, alors que, chez les hommes, elle est demeurée inchangée. Encore une fois, Statistique Canada rapportait que la stagnation de l’espérance de vie chez les hommes découlait d’une hausse de la mortalité chez les hommes de 25 à 45 ans, une hausse « probablement liée » à la crise des opioïdes 22.
Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2018, on estime à 12,7 % le nombre de Canadiens de 15 ans et plus qui ont rapporté avoir consommé des médicaments contre la douleur contenant des opioïdes avec ou sans ordonnance au cours de la dernière année 23. D’autres enquêtes ont également montré qu’un pourcentage considérable de Canadiens avaient récemment eu recours à des opioïdes d’ordonnance, même si le nombre exact varie d’une enquête à l’autre 24.
La prescription d’opioïdes au Canada a diminué dans les dernières années. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), la proportion de personnes au sein de la population à l’étude qui s’étaient fait prescrire des opioïdes a diminué de 2013 à 2018, passant de 14,3 à 12,3 %. En outre, dans la même période, moins de gens ont commencé un traitement aux opioïdes, moins de gens se sont fait prescrire des opioïdes à long terme, les personnes qui suivaient un traitement aux opioïdes à long terme se sont fait prescrire des doses moins importantes et plus de gens ont cessé leur traitement aux opioïdes à long terme. Le dosage et la durée des traitements chez les personnes qui commençaient un traitement aux opioïdes sont demeurés relativement stables 25. Ces tendances coïncident avec de nombreuses initiatives visant à réduire les méfaits associés à la consommation d’opioïdes d’ordonnance, dont certaines mentionnées dans la présente Étude de la Colline, même s’il est difficile d’attribuer les tendances à une initiative en particulier. Des lignes directrices révisées sur la prescription d’opioïdes pour le traitement des douleurs chroniques autres que celles liées au cancer ont été ont publiées en 2017, mais les données de l’ICIS ne reflètent probablement pas l’incidence des nouvelles lignes directrices en raison du temps requis pour sensibiliser les prescripteurs 26.
Malgré tout, les Canadiens comptent parmi les plus grands consommateurs d’opioïdes d’ordonnance de la planète. L’Organe international de contrôle des stupéfiants rapportait que, de 2017 à 2019, les pays présentant la consommation moyenne la plus élevée des six principaux analgésiques opioïdes pour le traitement de la douleur (codéine, fentanyl, hydrocodone, hydromorphone, morphine et oxycodone) étaient les États‑Unis, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique et le Canada 27.
Le fentanyl est un opioïde très puissant. Il peut être obtenu au moyen d’une ordonnance, mais d’autres opioïdes sont plus souvent prescrits 28. On en trouve également sur le marché illicite où il est souvent mélangé à d’autres substances comme l’héroïne 29. Le fentanyl était l’opioïde le plus souvent décelé dans les échantillons de drogue saisie par les organismes d’application de la loi, analysés par le Service d’analyse des drogues de Santé Canada en 2020 30.
En 2016, davantage de décès liés aux opioïdes étaient attribuables à d’autres opioïdes qu’au fentanyl. Depuis, le nombre de décès liés aux opioïdes attribuables au fentanyl a surpassé le nombre de décès attribuables aux autres opioïdes. En 2020, il y avait 3,5 fois plus de décès attribuables au fentanyl qu’aux autres opioïdes 31.
La naloxone est un médicament utilisé pour contrer de façon temporaire les effets d’une surdose d’opioïdes. Elle peut être administrée par toute personne qui se trouve en présence d’une personne qui semble faire une surdose d’opioïdes. Des trousses de naloxone à emporter peuvent être obtenues sans ordonnance dans la plupart des pharmacies ou auprès des autorités sanitaires locales au Canada 32.
Une analyse du contexte préparée par l’Initiative canadienne de recherche en abus de substance publiée en juin 2019 indiquait que plus de 590 000 trousses de naloxone financées par l’État avaient été distribuées depuis plus de 8 700 sites au Canada, et plus de 61 000 trousses auraient été utilisées pour renverser les effets de surdoses 33.
Le Groupe de travail sur les coûts et les méfaits de l’usage de substances au Canada estime que le coût de l’utilisation d’opioïdes pour les Canadiens dépassait les 5,9 milliards de dollars en 2017. La perte de productivité représentait la part la plus importante de ces coûts (plus de 4,2 milliards de dollars), suivie des coûts pour le système de justice pénale (plus de 944 millions de dollars), des coûts en santé (plus de 438 millions de dollars) et d’autres coûts directs, notamment pour la recherche et la prévention, pour les programmes d’aide aux employés et pour le dépistage en milieu de travail (plus de 320 millions de dollars) 34.
Il semble que la consommation de fentanyl ait augmenté dans les premiers mois de la pandémie de COVID‑19, d’après l’analyse menée par Statistique Canada des données provenant d’échantillons d’eaux usées prélevées dans les usines d’épuration de cinq villes (Halifax, Montréal, Toronto, Edmonton et Vancouver). Le niveau de fentanyl présent dans les eaux usées par habitant en avril 2020 était semblable au niveau d’avant la pandémie, alors qu’en mai 2020, il était près de deux fois supérieur et, en juin et juillet 2020, presque trois fois supérieur 35.
Les méfaits liés aux opioïdes ont également augmenté pendant la pandémie. Tel qu’il est précisé plus haut, 6 306 personnes sont décédées en raison d’une intoxication apparemment liée aux opioïdes au Canada en 2020, ce qui représente une augmentation de 71 % par rapport à 2019 et de 43 % par rapport à 2018 36. De plus, il y a eu 5 240 hospitalisations pour des intoxications aux opioïdes au Canada en 2020 (une augmentation de 16 % comparativement à 2019 et de 4 % comparativement à 2018). En Colombie‑Britannique, les services médicaux d’urgence ont dû intervenir à 17 011 reprises en 2020 (une augmentation de 26 % par rapport à 2019 et de 27 % par rapport à 2018) 37.
Dans une déclaration datant de juin 2021, les coprésidentes du Comité consultatif spécial sur l’épidémie de surdoses d’opioïdes en sont venues à la conclusion suivante :
Il est probable qu’un certain nombre de facteurs ait contribué à la progression de la crise des surdoses d’opioïdes pendant la pandémie de COVID‑19 au Canada, notamment la toxicité et l’imprévisibilité accrues de l’approvisionnement en drogues, les sentiments exacerbés d’isolement, de stress, d’anxiété et de dépression, ainsi que la disponibilité ou l’accessibilité limitées des services sociosanitaires pour les personnes qui consomment de la drogue, notamment les services de réduction des risques et les traitements permettant de sauver des vies 38.
Un modèle de simulation publié en juin 2021 par l’Agence de la santé publique du Canada indique que le nombre de décès liés aux opioïdes pourrait demeurer élevé ou même augmenter pendant le reste de 2021 39.
L’expérience vécue d’une personne à l’autre concernant les opioïdes varie en fonction de nombreux facteurs comme les déterminants sociaux de la santé, dont le revenu, le logement et l’accès aux soins de santé. Certaines personnes qui utilisent des opioïdes risquent plus que d’autres de vivre des difficultés sociosanitaires. Afin de montrer comment la crise des opioïdes touche de façon différente divers groupes de personnes, des données sur les méfaits liés aux opioïdes ventilées en fonction de certains facteurs sont présentées ci‑dessous.
Le taux de méfaits liés aux opioïdes semble varier selon les groupes d’âge, comme le montre la figure 3. Le taux le plus élevé de décès accidentels apparemment liés à une intoxication aux opioïdes depuis 2016 est systématiquement relevé chez les personnes de 30 à 39 ans. La proportion la plus élevée d’hospitalisations chaque année depuis 2016 est quant à elle relevée chez les personnes de plus de 60 ans 40.
Note : Les données du Manitoba d’octobre 2019 à décembre 2020 ne sont pas incluses. Les données de la Colombie‑Britannique de 2018 à 2020 et celles du Québec de 2019 à 2020 comprennent les décès liés à la consommation de toutes les drogues illicites, et ne se limitent pas aux opioïdes. Les données concernant l’âge pour certaines provinces et certains territoires ayant un nombre de cas peu élevé sont masquées.
Source : Gouvernement du Canada, « Graphiques : Pourcentage de décès totaux apparemment liés à une intoxication aux opioïdes selon le groupe d’âge, Canada, 2016 à 2021 (janv. à juin) », Méfaits associés aux opioïdes et aux stimulants au Canada (décembre 2021), Infobase de la santé publique, base de données, consultée le 1er décembre 2021.
Les données désagrégées révèlent d’autres différences liées à l’âge. Par exemple, en 2020, les personnes de 30 à 39 ans comptaient pour une plus grande part des décès accidentels apparemment liés à une intoxication aux opioïdes impliquant la consommation de fentanyl comparativement aux décès accidentels apparemment liés à une intoxication aux opioïdes non apparentés au fentanyl 41.
Les données concernant les opioïdes peuvent également être ventilées selon l’âge en combinaison avec d’autres facteurs comme le sexe pour révéler les tendances intersectionnelles 42.
En 2020, 76 % des décès accidentels apparemment liés à une intoxication aux opioïdes ont été relevés chez les hommes, pourcentage qui est demeuré à peu près le même pour le premier semestre de 2021 43. Alors que 63 % de l’ensemble des hospitalisations liées à une intoxication accidentelle aux opioïdes ont été relevées chez les hommes 44, 55 % des hospitalisations liées à une intoxication intentionnelle aux opioïdes ont été relevées chez les femmes en 2020 45.
Les écarts liés au sexe et au genre quant aux décès accidentels apparemment liés à une intoxication aux opioïdes ne sont pas les mêmes pour tous les groupes de population dans l’ensemble des régions. Chez les membres des Premières Nations en Alberta, par exemple, la représentation des hommes et des femmes pour les décès accidentels apparemment liés à une intoxication aux opioïdes était pratiquement la même de 2016 à 2018 46. Cependant, la proportion de décès chez les hommes a atteint 66 % au cours des six premiers mois de 2020 47.
Les comportements et résultats liés aux opioïdes varient selon le sexe et le genre de différentes façons complexes. Par exemple, selon leur sexe ou leur genre, les personnes hospitalisées pour des raisons liées à leur consommation d’opioïdes peuvent être confrontées à différents problèmes de santé mentale 48.
Bon nombre des données nationales concernant les opioïdes ne sont pas ventilées en fonction de l’identité autochtone. Cependant, les données disponibles montrent que, dans de nombreuses régions du Canada, les communautés autochtones ont subi les méfaits liés aux opioïdes de façon disproportionnée. Par exemple :
Ces données doivent être interprétées en tenant compte du contexte sociohistorique approprié. De nombreux facteurs systémiques interviennent en ce qui concerne la consommation d’opioïdes au sein des communautés des Premières Nations, des communautés métisses et des communautés inuites, notamment les traumatismes intergénérationnels et les inégalités économiques provoqués par le système des pensionnats pour Autochtones et d’autres formes de colonisation 52. Les communautés des Premières Nations, les communautés métisses et les communautés inuites présentent également diverses forces et ressources culturelles qui favorisent la santé. Les gouvernements et organisations autochtones ont créé des initiatives qui tirent profit des forces de leurs communautés pour répondre à la crise des opioïdes, à la consommation d’autres substances et aux problèmes de santé mentale 53.
La santé est une compétence partagée au Canada. Les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 donnent respectivement au Parlement du Canada et aux assemblées législatives des provinces le pouvoir exclusif de légiférer sur certaines questions 54. Certains aspects des soins de santé sont indiqués dans ces articles (p. ex. les hôpitaux autres que les hôpitaux de marine relèvent de la compétence provinciale). Cependant, la Constitution n’attribue pas de façon explicite la compétence législative exclusive en santé. Ainsi, les mesures de santé peuvent être de compétence fédérale ou de compétence provinciale selon leur objectif et leur incidence 55.
Les assemblées législatives provinciales ont exercé leur compétence en matière de mesure de santé aux termes des paragraphes 92(7) (hôpitaux), 92(13) (propriété et droits civils) et 92(16) (matières d’une nature purement locale ou privée) de la Loi constitutionnelle de 1867. De manière générale, les deux derniers articles accordent aux provinces la responsabilité des services de soins de santé, de l’exercice de la médecine, de la formation professionnelle et de la réglementation de la profession médicale, de l’assurance‑hospitalisation, de l’assurance maladie et de la santé au travail 56. Les gouvernements des provinces et des territoires sont donc responsables de la prestation de la plupart des programmes de prévention, de traitement et de réduction des méfaits de la toxicomanie.
Le Parlement du Canada exerce ses pouvoirs en matière de santé conformément à son autorité législative à l’égard du droit criminel (par. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867) et de son pouvoir de dépenser (qui lui revient conformément à son autorité législative à l’égard de la dette et de la propriété publiques (par. 91(1A)), et à son pouvoir général de taxation (par. 91(3)). La législation fédérale relative aux opioïdes comprend notamment la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRDS) et la Loi sur les aliments et drogues. Le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral lui permet de mettre en place des initiatives en matière de recherche en santé, de promotion de la santé, de renseignement sur la santé et de prévention et contrôle des maladies, ainsi que des projets pilotes liés aux initiatives provinciales en santé 57.
En outre, le gouvernement fédéral finance directement ou offre lui‑même des services de prévention, de traitement et de réduction des méfaits de la toxicomanie s’adressant à des populations en particulier comme les Premières Nations et les Inuits, les membres des Forces armées et les anciens combattants ou les détenus de ressort fédéral 58.
Le gouvernement fédéral a fait des investissements et a lancé des initiatives visant à prévenir les méfaits liés aux opioïdes et à y répondre 59. Les initiatives fédérales, par exemple, comprennent des efforts visant à encadrer le marketing et la publicité concernant les opioïdes 60, des consultations relatives à la proposition de règlements visant les sites de consommation supervisée 61 et la création, en collaboration avec les États‑Unis, d’un plan d’action conjoint canado‑américain sur les opioïdes 62. Le gouvernement fédéral a également mis sur pied différentes stratégies nationales antidrogue depuis 1987, dont la plus récente a été annoncée en 2016 63. Plus récemment, pendant la pandémie de COVID‑19, le gouvernement du Canada a pris diverses mesures afin de soutenir les personnes qui consomment des opioïdes et d’autres substances, notamment pour permettre aux provinces et aux territoires de mettre sur pied de nouveaux sites de consommation supervisée temporaires 64.
Ces dernières années, le Parlement a lui aussi pris des mesures afin de lutter contre la crise des opioïdes. En 2016, dans le cadre de son étude sur la crise des opioïdes au Canada, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a formulé 38 recommandations appelant à l’action en matière de leadership national, de réduction des méfaits, d’ordonnances, de traitement, de soutien en santé mentale, de collecte de données, d’application de la loi, de sécurité frontalière et de soutien des communautés des Premières Nations 65. Le gouvernement fédéral a ensuite présenté une réponse au rapport dans laquelle il énonce plusieurs engagements à remplir par les gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que les groupes d’intervenants 66. Dans sa réponse, le gouvernement fédéral souligne que le gouverneur en conseil a décrété la modification de l’annexe IV de la LRDS afin de contrôler l’utilisation de certains produits chimiques servant à produire le fentanyl, ce qui contribuera à interrompre l’approvisionnement illicite de fentanyl. La réponse précise également quelques projets de loi qui ont maintenant force de loi.
Le projet de loi C‑37, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d’autres lois, a été présenté en décembre 2016 et a reçu la sanction royale en mai 2017. Le projet de loi modifiait en partie la LRDS afin de simplifier le processus de demande relatif aux sites de consommation supervisée 67. En outre, le gouvernement fédéral a appuyé le projet de loi C‑224, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (aide lors de surdose), aussi connue sous le nom de Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose, qui a reçu la sanction royale en mai 2017 68. Le projet de loi C‑224 ajoute une disposition qui confère l’immunité contre les accusations de possession simple d’une substance contrôlée et contre d’autres accusations liées à la possession simple à une personne qui compose le 911 parce qu’elle‑même ou une autre personne est victime d’une surdose, immunité qui s’étend également aux autres personnes présentes sur les lieux.
Plusieurs autres mesures législatives portant sur la consommation d’opioïdes sont mortes au Feuilleton à la dissolution de la 43e législature :
Les parlementaires ont aussi répondu à la crise des opioïdes au moyen d’autres outils à leur disposition au Parlement, par exemple des motions, des pétitions et des interventions lors de la période des questions. Certaines de ces initiatives demandaient notamment au gouvernement du Canada de déclarer que la crise des opioïdes constitue une urgence nationale en matière de santé publique aux termes de la Loi sur les mesures d’urgence, de mettre en place un plan d’action pancanadien contre les surdoses, de décriminaliser la possession simple et d’intenter des poursuites contre les fabricants d’opioïdes 73.
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